River into Lake:
« Derrière quelque chose de beau, il y a quelque chose qui cloche ».

River-Into-Lake- Boris-Gronemberger

Il a collaboré pendant plusieurs années avec Girls in Hawaii, Françoiz BreutCastus et le duo Blondie Brownie, Boris Gronemberger revient sur les devants de la scène sous le nom de River into Lake, nouvelle incarnation du projet bruxellois V.O. dont il a tenu les rênes quinze années durant. En 2017, il fait la première partie durant la tournée d’Agnès Obel. Il en résulte Let The Beast Out. Un album bouillonnant de pop orchestrale combinant avec malice des mélodies pop acérées, harmonies complexes et sonorités héritées des années 70. 

Vous êtes né et avez grandi dans la région de Bouillon. Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ? 

River-Into-Lake- Boris-GronembergerDe très bons de manière générale, jusqu’à l’adolescence où c’est devenu plus compliqué parce qu’il n’y avait pas grand-chose à faire. Et à l’époque, je n’étais pas encore sensible à la nature comme je le suis aujourd’hui. Nous étions une belle bande de copains et nous nous retrouvions souvent ensemble. Après les humanités, nous sommes tous partis à gauche et à droite. Moi, je suis parti vivre à Bruxelles avec mon frère. 

La musique arrive quand dans votre vie ?

Elle arrive assez tôt. Elle a toujours été présente. Mon père écoutait énormément de musique. J’ai baigné dedans dès que j’étais bébé. A l’âge de 13 ans, nous voulions faire un groupe de musique avec des amis. J’ai une amie qui m’a donné sa batterie, car elle ne savait plus quoi en faire. Et ce fut le déclic. Et j’ai compris à ce moment-là que c’était ça que je voulais faire de ma vie. 

Vous vous dirigez dans une école de Jazz à Anvers. Pourquoi avoir choisi le Jazz ? 

River-Into-Lake- Boris-GronembergerParce que j’aimais bien et puis parce que c’était une formation complète et polyvalente. J’ai fait 3 ans à cette école et je suis vraiment très content de l’avoir fait. Cela m’a permis d’être un peu « tout terrain », car il y a une approche dans le Jazz qu’il y a moins dans le classique qui se base sur l’improvisation, l’adaptation… Ce qui m’a beaucoup aidé par la suite pour aller d’un projet à un autre et de m’adapter assez vite. 

Et des projets, il y en a eu beaucoup…Girls in Hawaii, Grinberg, The Grandpiano, Venus, Zop Hopop, Raymondo ou Chacda. Mais tout commence avec Françoiz Breut

Il y a eu d’autres projets avant, mais c’est vraiment avec elle que j’ai commencé ma carrière de musicien. On a commencé en 2001 et j’ai joué avec elle jusqu’en 2008-2009. J’ai réalisé deux disques avec elle et plusieurs tournées. C’était une belle expérience qui m’a fait vivre des choses incroyables ! Cela fait partie des plus belles années de ma carrière. J’ai rencontré des chouettes gens, j’ai beaucoup voyagé… Après, les collaborations se sont succédées. 

Et puis, il y a la création de V.O.

River-Into-Lake- Boris-GronembergerEn fait, V.O. était déjà un projet que j’avais avant de rejoindre Françoiz. J’ai écrit des chansons de 2000 à 2005 et le premier album est sorti en 2005. C’était une compilation de ce que j’avais réalisé pendant toutes ces années. V.O. était ma récréation et je ne pouvais pas m’y consacrer à plein temps. Puis, il y a eu un deuxième album et puis un troisième. J’ai rejoint Girls in Hawaii juste après la sortie du troisième album pour devenir leur nouveau batteur. Et là pareil, c’était une super expérience. Après quatre ans et demi de travail avec eux, je ressentais toujours une petite frustration et j’ai décidé de quitter le groupe. Ce ne fut pas une décision très simple… Quitter quelque chose qu’on aime pour un inconnu. Mais je sentais que j’avais besoin de me lancer dans mon propre projet ! Peut-être est-ce lié à la quarantaine ? En tout cas, je sentais que je n’aurais jamais pu tout gérer en même temps et tout ça combiner à la vie de famille..

Et V.O. devient alors River into Lake. Vous choisissez ce nom par rapport au cycle de l’eau qui représente le cycle de la vie. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans l’eau ? 

C’est surtout l’idée de la vie en général. J’ai relu un livre, cet été de René Barjavel qui s’appelle « La faim du tigre » et qui parle de ça ! Qu’est-ce que c’est la vie ? Qu’est-ce que c’est en général… qui parle de la création de Dieu… C’est un livre où il ne fait que se poser des questions, développe certaines réflexions sans vraiment trouver de réponses… Dans le cycle de l’eau, il y a quelque chose qui se répète et se régénère. J’aimais bien cette image de la rivière qui vient nourrir un lac, qui vient nourrir quelque chose de plus grand. C’est ce que nous sommes tous. Nous faisons partie d’un tout et c’est ce que j’ai envie d’exploiter à travers ce nom. 

Vous changez de nom, non seulement parce que vous changez de style musical, mais également pour une contrainte plus technique… Celle du référencement… 

River-Into-Lake- Boris-GronembergerC’était vraiment impossible. Il y avait beaucoup de gens qui ne nous trouvaient pas sur Internet. Je me suis dit qu’il fallait accepter les règles du jeu et donc changer… C’était un peu compliqué au début de devoir changer d’identité pour ces raisons-là et puis je m’en suis fait une raison. Je me suis dit également que c’était l’occasion de faire table rase et de réaliser quelque chose de totalement nouveau. Cela faisait 7 ans qu’il n’y avait plus eu d’albums… Donc on pouvait se permettre ce changement. C’était une belle opportunité de repartir à zéro.

En quoi River Into Lake est totalement différent par rapport à avant ?  

Il y a des similitudes dans la manière dont je traite la musique. Je me suis débarrassé de plein de choses. Je n’écris plus à partir de la guitare, mais à partir d’autres sonorités notamment celle des synthétiseurs qui sont fort présents. C’est toujours la même équipe. L’album est plus électronique, pop… 

J’ai lu que pour V.O. vous aviez eu du mal à prendre le lead. Ce n’est pas une chose évidente pour vous… Pour River Into Lake, vous avez décidé de l’endosser. Quel fut le déclic de ce changement ? 

River-Into-Lake- Boris-GronembergerC’est moi qui suis le moteur du projet, forcément. J’ai essayé de rassembler tout le monde dans une énergie commune et de les emmener avec moi. On y va tous ensemble. Même si nous avons fait beaucoup de résidences pour écrire le projet, les décisions finales reposaient sur moi. Je donnais l’impulsion… jusqu’au moment où les autres m’ont dit que c’était mon projet et qu’ils étaient là pour le servir, mais ça restait le mien… Et en me disant ça, ils m’ont fait réaliser que c’était vrai… River into Lake, c’est moi. Et c’est la raison pour laquelle, j’en fais la promo quasi seul. Et je me suis assumé en tant que leader.

En parlant de l’album, je trouve la pochette très belle. Elle est réalisée par un artiste David Delruelle. Comment vous vous êtes rencontrés ? 

River-Into-Lake- Boris-GronembergerJe l’ai découvert par hasard via Facebook. Je suis allé voir son profil et quand j’ai vu le visuel de la pochette… Cela m’a énormément touché parce que cette image…pour moi… je n’en ai jamais parlé avec lui… représente cet aspect de la religion qui peut véhiculer des fausses idées. Derrière quelque chose de beau, qu’il parle d’amour entre les uns et les autres, il y a quelque chose qui cloche… Je prends l’exemple de DAESH. Ils se revendiquent être de la religion alors qu’ils véhiculent des choses horribles… Comme dans le catholicisme, on a brûlé et assassiné des gens au nom de Dieu. Pourtant le message de base est super beau… et la manière dont ils ont de le retranscrire est horrible. Et ce personnage dont le visage est remplacé par des pétales de fleurs duquel sort un serpent, cela m’a fait penser à ce côté ambivalent de la religion. « Let The Beast Out » qui est le titre de l’album provient vraiment de cette image. Il faut se débarrasser de tout ce qu’on nous a inculqué de mal par rapport aux religions pour embrasser ce qu’il y a vraiment de beau et revenir au message de base. C’est ce que j’essaye dans cet album et dans mon quotidien de raconter. 

Les choses sont plus compliquées aujourd’hui au niveau de la musique, car il y a les réseaux sociaux à gérer ainsi que les campagnes de crowdfunding pour mener à bien son projet… Comment arrivez-vous à gérer ces multiples tâches ?

River-Into-Lake- Boris-GronembergerHonnêtement, je fais ce que je peux… Il y a des erreurs, des choses qui m’échappent… Girls In Hawaii, chaque membre du groupe avait un rôle plus spécifique à jouer…Un s’occupait un peu plus des réseaux sociaux, un autre gérait un autre domaine… ce qui fait que le groupe avançait plus rapidement. River Into Lake, c’est moi qui gère à peu près tout… C’est d’ailleurs, une des raisons pour lesquelles j’ai tiré le frein à main à un moment donné. L’album devait au départ sortir au mois de mars et nous avons postposé. C’était mieux, car j’étais encore dans le processus de création et d’enregistrement. Puis le disque part en production… puis il faut mettre en place la promotion….et je trouve que tout se passe beaucoup plus rapidement qu’avant…même en termes de programmation où il faut quasi anticiper un an à l’avance. Alors quand on est seul pour faire ça… J’ai même pensé un moment à abandonner. Mais c’était une grosse crise et heureusement j’ai des gens autour de moi qui m’ont soutenu et aidé. Et les choses se sont mises en place petit à petit… Le disque est sorti en France où il a été super bien accueilli. Ça m’a redonné confiance. Aujourd’hui, je tourne en Allemagne… C’est génial ! 

Le 30 avril, River Into Lake sera au Botanique dans le cadre du festival les Nuits 2020. Et vous allez jouer avec un quatuor à cordes… 

River-Into-Lake- Boris-GronembergerC’est un projet que j’avais déjà mis en place avec V.O. pour le Botanique également. Là, ils m’ont proposé de le faire avec River Into Lake… C’était pour moi, une continuité de ce que je voulais mettre en place, mais d’une autre manière… J’adore cette sonorité des quatuors à cordes. Pour moi, c’est comme le piano ça suffit. C’est aussi un challenge de mélanger ça avec les 5 musiciens du groupe. C’est toute une réflexion de savoir qu’est-ce que je vais retirer de chez nous pour le donner au quatuor. Tout en restant dans l’équilibre… Et puis, le Botanique est un incontournable à Bruxelles et les « Nuits Botanique » reste un passage obligé dans le paysage rock belge. Les conditions sont super, car nous allons jouer dans le grand salon, ça va être magnifique. On va être au milieu des spectateurs. Il va y avoir un rapport de proximité et ça, j’adore… Quand je peux sentir et voir les gens autour… c’est ce que je préfère… Les regarder attentifs, sourire…

Un rêve un peu fou que vous voudriez réaliser ?

C’est une bonne question… Je ne sais pas si c’est un rêve un peu fou, mais j’aimerais beaucoup avoir une grosse ferme à la campagne où j’établirais un studio et je ne bosserais plus que là. J’inviterais des gens pour jouer avec moi… Je me sens tellement bien à la campagne. J’ai l’impression de me retrouver… L’appel du vert. Il y a beaucoup trop d’infos pour moi à Bruxelles, nous sommes sollicités de partout et constamment.

Plus d’info ? 

Youtube : Chaîne 

Concert Botanique : Nuits 2020

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