Yannick Renier:
« J’essaye de ne pas trop désirer les choses! »

Yannick-Renier

Si le coeur de Yannick Renier est au théâtre, il s’est fait une place belle au cinéma depuis plusieurs années. Il accède à la notoriété grâce à sa participation à la série télévisée Septième ciel et les cinéphiles le remarquent dans Nue Propriété de Joachim Lafosse, huis clos intense présenté à la Mostra de Venise. Il y incarne le fils d’Isabelle Huppert, et le frère de Jérémie Renier -qui est son demi-frère dans la vie. Le cinéma d’auteur français ne tarde pas à s’enticher de lui et lui propose divers rôles. En 2018, il passe derrière la caméra et co-réalise avec Jérémie Renier son premier film. Aujourd’hui, Yannick Renier est sur les planches du Rideau de Bruxelles avec le spectacle qui lui vaut le prix de la critique : “Les enfants du soleil”.

Comment est née votre passion pour ce métier ? 

Yannick-RenierMon père enregistrait les films de l’émission « écran témoin » diffusée sur la RTBF. C’était le début des magnétoscopes, il les enregistrait et laissait ces films à notre disposition. Ce n’était pas des films adaptés à notre âge enfin si on entend qu’il ne faut montrer que des dessins animés aux enfants. Mais cette passion est réellement née au Collège en découvrant la littérature et le théâtre. Ce n’était pas à ce moment-là une révélation comme beaucoup de gens pourraient le penser. Les métiers de comédiens ou d’artistes se construisent petit à petit, par palier. C’est d’abord une curiosité qui nait d’un désir et puis les choses s’enchainent par opportunité ou par hasard. De fil en aiguille, j’ai fait du théâtre amateur à l’école et puis je me suis dit que j’allais essayer une école de théâtre, mais sans y croire vraiment. Je m’étais inscrit en même temps à l’Université, c’est pour dire ! Quand j’ai vu mon nom sur la liste, je me suis dit tant mieux et c’est comme ça que ça a commencé ! Les études m’ont énormément plu ! Frédéric Dussenne qui était un de mes professeurs m’a engagé…et c’était parti !

Après près de 10 ans au théâtre, vous apparaissez dans la série télévisée Septième Ciel Belgique et puis de là démarre le cinéma. Ce passage théâtre – cinéma était quelque chose de désiré ou c’est arrivé par hasard ?

Yannick-RenierLe projet de cinéma était prévu avant la série, en fait. Elle a simplement été diffusée avant. J’essaye de manière générale de ne pas trop désirer les choses que ce soit un rôle que je pourrais jouer au théâtre ou au cinéma. J’avais à à ce moment-là de ma vie, envie d’autre chose…de mettre en danger… Le premier film était de Joachim Lafosse avec Isabelle Huppert et mon frère (Jérémie Renier), c’était une grosse épreuve pour moi. J’avais peur de la comparaison avec mon frère, j’avais fait du théâtre, mais pas de cinéma ou très peu en tout cas…pas dans un long métrage. C’était assez impressionnant, mais j’ai énormément aimé travailler avec Joachim et Jérémie et cette ambiance de tournage… Par la suite, les choses se sont faites naturellement et j’ai eu la chance de pouvoir continuer là-dedans. J’essaye d’équilibrer, car quand je suis trop au cinéma, le théâtre me manque cruellement. Heureusement, le travail avec Christophe Sermet est régulier et fidèle donc on se retrouve quasiment chaque année et ça, c’est la colonne vertébrale de ma vie professionnelle. 

En 2018, vous passez derrière la caméra avec votre demi-frère Jérémie Renier pour réaliser le film Carnivores. Comment ce projet est né ? Vous sentiez que vous aviez quelque chose à dire ?

Oui, je voulais essayer de dire quelque chose, quitter la position d’interprète pour essayer d’être en première ligne dans un processus de création. Jérémie avait, quant à lui, depuis très longtemps le désir de réaliser ; moi j’étais plus attiré par l’écriture. Après Nue Proprité, nous avons décidé de nous lancer. Avec énormément de temps, de questionnements, d’essais et de dialogues, Carnivores est né. 

Carnivores est basé sur certaines choses que vous avez vécues…

Yannick-RenierOn s’est basé sur notre relation et on l’a transposée en exagérant d’une certaine manière… en parlant de la réussite dans une famille. Comment la réussite dans une fratrie est perçue comme une injustice et comment ça peut être à la fois tragique et comique. Et puis, l’histoire s’est focalisée sur la petite soeur qui vit dans l’ombre et qui va essayer de récupérer la place que sa soeur lui a prise. C’est une interprétation des pulsions que j’aie pu avoir vis-à-vis de Jérémie comme n’importe quel frère ou soeur peut  peut ressentir ça au sein d’une famille par rapport à la place que peut prendre un individu comment chacun doit se positionner. 

Au théâtre, au cinéma, derrière la caméra comme réalisateur, écrivain… Où est l’endroit où vous vous sentez le mieux ?

Yannick-RenierJe me sens mieux comme acteur au théâtre. Grâce à ma collaboration avec Christophe Sermet, il m’est donné la plus grande possibilité de liberté et d’exigence. J’adore faire du cinéma, c’est passionnant ! Je fais des projets avec des gens passionnants, mais toujours dans des conditions où on est tributaire du temps, car on doit aller vite et l’efficacité prime. La recherche, l’invention, la prise de risque, le ridicule n’est pas vraiment permis. Au théâtre, j’ai cette impression de liberté que je n’ai nulle part ailleurs. 

Aujourd’hui, vous êtes à l’affiche des Enfants du Soleil mis en scène par Christophe Sermet qui se joue au Rideau de Bruxelles. Un spectacle pour lequel vous avez reçu le prix de la critique.

Yannick-RenierC’est Christophe Sermet qui a eu envie de l’adapter et de le jouer. Il y a un gros travail d’adaptation et de mise en forme et il a injecté d’autres textes. Nous sommes 8 comédiens sur scène et ça n’arrête pas, c’est foisonnant ! Ça parle de la vie, de la mort. C’est pragmatique et poétique. C’est un matériel de jeu absolument démentiel ! Nous avons un plaisir immense de retrouver les personnages, le texte…c’est quelque chose de palpable. Il y a quelque chose qui se fait quand les pièces sont créées et qu’on les rejoue… Il y a quelque chose de très jouissif qui nait quand le temps a passé. Les tensions sont relâchées. Tout parait tellement évident et facile. La pièce est tragique et comique… Il faut que la légèreté soit partout parce qu’elle parle de la fin de l’utopie, de l’approche de la révolution, de la colère qui gronde, de l’incapacité à s’entendre entre les classes sociales différentes…

Yannick-RenierUn projet un peu fou que vous voudriez réaliser ?

Je n’en parlerai pas ! Je remarque que les choses dont on parle trop avant de les faire, elles s’épuisent dans leur désir. C’est un jardin secret et il faut qu’il reste secret jusqu’au moment où on a l’envie de le partager avec une ou deux personnes. 

Où pourra-t-on vous voir prochainement ? 

Un tournage en juin, la suite des Châteaux de sable avec entre autres Emma de Caunes et Alain Chamfort et puis la suite des projets avec la compagnie, avec Christophe Sermet toujours… Beaucoup d’envies et des choses qui sont en préparation…

Photos : @Christophe Vanderborght