Faut-il voler voir « Dumbo » de Tim Burton?

Dumbo

La rencontre entre Dumbo et le style de Tim Burton a de quoi séduire sur le papier. L’univers coloré du cirque, une histoire de marginaux, une ode à la différence et à l’étrangeté, le mélange de tragique émouvant et de magie féérique… Burton avait tous les éléments en main pour faire de ce nouveau projet un véritable bijou. Alors : réussite ou rendez-vous manqué?

Résumé :

Holt Farrier, une ancienne gloire du cirque, voit sa vie complètement chamboulée au retour de la guerre. Max Medici, propriétaire d’un chapiteau en difficulté, le recrute pour s’occuper d’un éléphanteau aux oreilles disproportionnées, devenu en quelque temps la risée du public. Mais quand les enfants de Holt découvrent que celui-ci peut voler, l’entrepreneur persuasif V.A. Vandevere et l’acrobate aérienne Colette Marchant entrent en jeu pour faire du jeune pachyderme une véritable star…

Avis :

dumboAprès « Maléfique », « Cendrillon », « Le Livre de la Jungle » et « La Belle et la Bête » c’est au tour de « Dumbo », film d’animation des studios Disney sorti en 1941, d’avoir sa version live action. Nous ne nous attarderons pas ici sur cette idée quelque peu saugrenue instaurée par Disney de décliner ainsi en live tout leur catalogue. La déferlante est loin d’être terminée puisque dans les mois et années à venir, nous verrons débarquer sur nos écrans pas moins qu’ »Aladdin », « Le Roi Lion », « Mulan », « La Petite Sirène », Peter Pan », « Merlin l’enchanteur », « Pinocchio », et « Blanche Neige »! Rien que ça!

Néanmoins en faisant appel à Tim Burton (pourtant déjà responsable en 2010 d’un désastreux « Alice au Pays des Merveilles »!), nous étions en droit d’espérer une approche sombre et poétique de « Dumbo », le cinéaste ayant déployé dans quasi toute son œuvre, une ambiance originale, peuplée de magie et de cauchemars. Il est vrai, le petit éléphanteau aux grandes oreilles a tout à fait sa place dans l’univers Burtonien où il est souvent question de héros marginaux, écrasés de désillusion face aux normes du monde. Le thème de l’enfance tient également une place centrale dans la filmographie de Tim Burton.

dumboIci, c’est après avoir été séparé de sa maman, Madame Jumbo, que Dumbo trouve réconfort auprès de Joe et Milly Farrier, les enfants de Holt Farrier, le cavalier manchot, eux-mêmes orphelins de mère. Ce sont eux qui découvrent ses capacités de vol et feront tout pour l’aider à gagner sa liberté. On se réjouit donc d’abord que cette adaptation ne soit pas seulement un insipide copié/collé du dessin animé. Le récit prend beaucoup de libertés par rapport à la trame du long-métrage animé : des scènes ont été supprimées, remplacées par d’autres, les éléphants ne parlent plus, Timothy la souris a disparu ainsi que les corbeaux.

Malheureusement, on en vient vite à regretter que Dumbo ne soit jamais le cœur du récit. Le petit éléphanteau ne sert ici que d’instrument pour développer l’histoire du côté des humains, alors que dans le dessin animé, nous suivions sa tristesse, ses peurs, ses joies, ce qui nous le rendait terriblement attachant.

Après un premier acte laborieux, mécanique voire décousu dans lequel on se demande vraiment où le film veut nous entraîner, Tim Burton s’éveille soudain un peu avec l’arrivée des antagonistes. Michael Keaton campe avec le talent qu’on lui connaît, un professionnel du divertissement industriel, directeur d’un parc d’attractions féérique de façade qui cache en coulisses un cynisme à vomir. Ce « Dreamland » ressemble furieusement à une version dark de Disneyland, ce qui étonne dans une production estampillée Disney. Cette critique du capitalisme qui gâche les belles choses fragiles est l’heureuse surprise du film.

Mais par contre, quel regret que le vrai thème du métrage d’origine, l’acceptation de la différence, ne soit qu’à peine effleuré dans la version de 2019!

En conclusion, conçu comme un produit sans âme ni grandes émotions, « Dumbo » est un film plat et sans surprise qui nous berce par ses images trop proprement emballées et un scénario extrêmement prévisible. Nous étions en droit de nous attendre à bien mieux de la part de l’auteur de « Edward Scissorhands » et « Beetlejuice » ainsi que de l’adaptation d’un délicieux dessin animé bouleversant et poétique datant de 78 ans.

Rendez-vous manqué, donc, que même le charme de l’éblouissante Eva Green ne parvient à sauver!