France Bastoen:
éternelle amoureuse de la scène et de ses contradictions!

France-Bastoen

France Bastoen a abordé dès ses débuts des rôles de répertoire. Des bancs d’école, elle a gardé une collaboration étroite avec les metteurs en scène Georges Lini et Jasmina Douieb. Au théâtre avec Françoise Courvoisier et avec Philippe Sireuil. A la télévision, on l’a vu jouer dans quelques séries de la RTBF comme « Esprits de famille » ou encore « La Trêve ». Au cinéma, on retiendra Babeth dans « La Face cachée » de Bernard Campan aux côtés de Karin Viard. Aujourd’hui, France Bastoen est à l’affiche de Villa Dolorosa au Théâtre des Martyrs. Rencontre avec cette grande aventurière; cette éternelle amoureuse de la scène et de ses contradictions.

Comment cette passion pour le théâtre est arrivée dans votre vie ? 

France-BastoenToute petite, je tyrannisais ma petite soeur en l’obligeant à préparer des spectacles avec moi (rire) ! On présentait ensuite ces spectacles aux voisins, à mes parents… On allait même jusqu’à déposer des invitations dans les boîtes aux lettres. On se servait de petites saynètes trouvées dans des revues pour enfants ou on faisait des spectacles musicaux. J’avais toujours les rôles principaux, j’étais vraiment épouvantable (rire) ! Je m’autocastais (rire) ! Je continuais dans la cour de récréation à organiser des jeux de rôles. J’ai toujours aimé le rapport à la scène que ce soit chanter, danser, jouer… Je me suis orientée davantage vers le jeu, mais danser et chanter étaient également des passions. Il m’arrive souvent d’avoir des rôles dans lesquels je chante.

Pourtant, vous faites des études en littérature langue romane…

France-BastoenOui, ma famille voulait que je fasse des études « sérieuses »… J’ai fait les romanes et j’ai adoré ! En plus, à l’université je faisais beaucoup de théâtre, j’ai même été dans une section d’académie… Puis ce type d’études, vous permet également d’acquérir une certaine approche des textes.  Aujourd’hui, je donne quelques heures de cours au Conservatoire et je renoue avec cette rencontre de la langue, des textes… Pour moi, une des choses les plus importantes dans mon métier : c’est le rapport à la transmission. C’est fascinant de pouvoir porter la parole de quelqu’un d’autre. Je suis une passeuse..comme un instrument…un instrument à vent probablement (rire)…pour le souffle, l’inspiration et l’expiration…

Une fois vos études terminées, vous décidez de vous adonner à votre passion…

France-BastoenOui, j’étais plus âgée. Je ne vivais déjà plus chez mes parents. Donc je suis rentrée au Conservatoire en travaillant sur le côté. Je donnais des cours de français tout en sachant que ce n’était pas ça que je voulais faire de ma vie. Au Conservatoire, j’ai rencontré Dominique Serron qui m’a engagée alors que j’étais toujours étudiante. J’ai donc quitté l’enseignement… Le Conservatoire était une très belle expérience… J’étais entourée de gens passionnants aussi bien les professeurs que les autres élèves. Dans ma classe, j’avais Georges Lini, Jasmina Douieb, Stéphane Fenocchi… On a commencé là… à rêver tous ensemble de ce métier. J’ai fait plein de projets avec eux depuis toutes ces années. Je suis une grande fidèle aux gens, à l’amitié… J’adore les nouvelles rencontres, ce n’est pas la question… Mais dans ce métier, les choses peuvent sembler parfois éparpillées…parce que les projets sont toujours différents… Le fait de travailler avec eux, c’est un peu comme si il y avait un fil conducteur… Puis, c’est également un partage de valeurs, d’envies… Moi, ça me construit d’avoir des compagnonnages comme ça…

Justement vous avez fait partie du ZUT (Zone Urbaine Théâtre), la première compagnie de Georges Lini… Parlez-moi de cette relation que vous avez ensemble…

France-BastoenNous avons fait notre première scène au Conservatoire (rire) ! Cela nous avait été imposé à l’époque (rire) ! Mais depuis, on ne s’est plus quitté. Georges Lini avait un amour des textes contemporains, il lisait déjà beaucoup… Il allait frapper aux portes des théâtres et personne ne voulait de lui et de nous, non plus, puisqu’il nous voulait dans son équipe. Il voulait faire de la mise en scène, c’était déjà sa passion. Puis, il a trouvé ce lieu et il a créé le ZUT. Il a embarqué des gens qui venaient d’autres écoles que le Conservatoire, mais de la même génération. On a monté des textes sans un sou puis on a réussi à en avoir un peu… Ce genre de lieu était rare… un jeune théâtre de textes contemporains qui ne faisait que ça… Le ZUT a permis à Georges et Jasmina de développer la mise en scène et à nous de faire nos armes en tant que comédiens. 

Et puis, il y a le cinéma…

France-BastoenJ’ai de la chance ! Bien sûr, il faut beaucoup de compétences pour faire ce métier, mais il faut aussi de la chance. La chance de faire de bonnes rencontres, d’être là au bon moment et au bon endroit. J’ai de la chance de beaucoup travailler et ce avec des gens et des projets passionnants…ça ne laisse pas beaucoup de place pour le cinéma. Mais je ne mettrais jamais le théâtre de côté pour me consacrer au cinéma… Puis, pour une femme approchant la cinquantaine…ce n’est pas si facile d’avoir une carrière au cinéma ou au théâtre…

Pour quelles raisons, est-ce plus compliqué d’être une femme dans ce métier ? 

France-BastoenDéjà, il y a moins de rôles de femmes dans le répertoire classique. Ce sont des rôles d’hommes et les quelques rôles de femmes sont accordés à des jeunes premières… Dans le contemporain, ça s’équilibre un peu plus, mais il y a aussi plus d’actrices que d’acteurs… Souvent, un personnage de 50 ans, on va le donner à une actrice de 40-45 ans. Ça peut changer bien entendu, mais en tout cas, c’est une réalité. 

Vous êtes actuellement sur les planches du théâtre des Martyrs avec « Villa Dolorosa » mis en scène par Georges Lini. Il parait que quand il a lu le texte, il a eu un coup de foudre… Était-ce pareil pour vous ? 

Je ne l’ai pas lu ! Le premier contact que j’ai eu avec la pièce, je l’ai vu. Armel Roussel en avait fait un exercice de fin d’études à l’INSAS. Lorsque Georges Lini m’a appelé pour le projet, j’ai tout de suite dit oui ! C’est une adaptation des trois soeurs de Tchékhov… Ce n’est pas la première adaptation… Dans les pièces de Tchékhov, il y a beaucoup de non-dits, de vides… On ne dit pas ce qu’on pense. Ici, ce sont des logorrhées verbales…c’est contemporain, allemand… donc beaucoup plus trash… Il y a beaucoup de mots, mais ce sont aussi des mots pour cacher autre chose. On retrouve donc Tchékhov, mais d’une autre façon, c’est ça qui est très intéressant ! 

Parlez-nous de votre rôle dans Villa Dolorosa…

France-BastoenJe suis la soeur la plus âgée Olga. Elle n’a pas de mari, pas d’enfant. Elle a un boulot qui l’épuise où elle s’ennuie. C’est un peu le prototype de la vieille fille qui fait tourner toute la boutique, car ils vivent dans une énorme maison qui mériterait un petit rafraichissement. Elle est la seule au début de la pièce en tout cas, à travailler pendant que les autres se la coulent douce ! Donc elle râle beaucoup, mais personne ne l’écoute (rire) ! C’est un personnage touchant, car incompris… Ses plaintes ont l’air moins fondamentales et moins existentielles que ses soeurs. Il faudra qu’elle en vienne à commettre un acte assez fort pour montrer à ses soeurs qu’elle existe. Mais elle sera rattrapée par une de ses soeurs qui commettra un acte encore plus fort (rire) ! Même là on ne la remarque pas ! 

Quelles sont les raisons pour lesquelles vous aimez travailler avec Georges Lini ?

France-BastoenC’est quelqu’un de très instinctif ! Je trouve ça toujours fascinant, il sent quelque chose et puis on tourne un peu autour, on s’en éloigne et finalement on se rend compte qu’il avait raison. Mais ce qu’il y a de génial, c’est que le détour est autorisé. Il a un très bon instinct plateau. Et puis, les choix des textes… Depuis toujours, à chaque fois qu’il m’a proposé un texte, c’était excellent ! Autant dans les classiques que dans les contemporains… Il a cette manière également de s’emparer des classiques… Quand je donne cours, c’est quelque chose que je demande à mes élèves : « Qu’est-ce que ça vous raconte ? ». Je trouve ça essentiel de se poser les questions…de savoir où ça nous touche…En quoi ça résonne avec l’actualité… 

Un rôle que vous rêvez de jouer ? 

Je pense que je l’ai dit déjà plein de fois, mais je rêverais de jouer Cléopâtre (rire) ! Je trouve que c’est un rôle magnifique ! C’est une des pièces les plus difficiles de Shakespeare ! J’adore Shakespeare car il aborde tellement de sujets comme notre monde, notre métier…c’est énorme ! C’est drôle et tragique en même temps ! 

Quels conseils donnez-vous à vos étudiants qui veulent commencer ce métier ?

France-BastoenJe me positionne déjà par rapport à eux : j’ai les mêmes doutes et les mêmes questions. J’ai juste un peu plus d’expérience… Je ne donne pas vraiment de conseils… Simplement, il faut garder l’enfant en soi… être touché par les rencontres, les lectures, par un morceau de musique… Ne pas trop se prendre au sérieux sinon on devient malheureux ! 

Plus d’info ? 

www.theatre-martyrs.be

 

Remerciement au bar à champagne L’Aube sur Aÿ et au café Arcadi pour leur accueil