Achille Ridolfi :
« Dans mon métier, il y a beaucoup d’impostures »
Récompensé par les Magritte du cinéma pour sa magnifique prestation dans le film « Au nom du fils », Achille Ridolfi s’est fait une jolie place au cinéma…mais pas que ! Comédien dans l’âme, il vient de se lancer dans un nouveau défi sur les planches du Théâtre de la Toison d’Or. Un seul en scène d’une heure dix qu’il mène avec panache et brio. Achille Ridolfi nous emmène dans l’univers des comédiens et nous questionne sur l’imposture.
Tu es né à Liège en 1979 de parents d’origine italienne et très jeune déjà l’univers du spectacle t’intéressait…
C’est exact mes parents ont quitté l’Italie début des années 70 pour arriver à Liège. Je me souviens que mes parents travaillaient énormément et j’étais confronté à beaucoup de solitude. J’ai le souvenir de me raconter beaucoup d’histoires et de faire le show dans ma chambre. Finalement, dès mon plus jeune âge, je chantais, je dansais, je jouais … C’est devenu plus concret à l’âge de 8 ans quand je me suis inscrit à l’académie en solfège et piano. C’était à la base plus pour faire plaisir à mon père. Je trouvais ça vraiment très scolaire…moi qui regardais à la télévision la série « Fame » où tout se passait dans une école d’art … c’était pour moi l’endroit rêvé à 10 000 lieues de l’académie (rire) ! Un jour vers 11 ans, j’ai entendu au bout du couloir des élèves de l’académie faire des échauffements vocaux. Ça m’a intrigué et je me suis inscrit à la classe de déclamation. J’ai quitté l’académie à l’âge de 20 ans ! Il a fallu un moment donné rassurer mes parents. Mes parents avaient peur pour moi que je fasse ce métier. J’ai fait des études pour devenir instituteur primaire dans le but de les rassurer, mais également de me rassurer. Puis j’ai enseigné pendant un an. J’adorais vraiment !
En 2002, vous décidez de suivre une formation de comédien à l’INSAS
Je choisis l’INSAS parce le film « C’est arrivé près de chez vous » m’avait marqué et il avait été réalisé par des étudiants de l’INSAS. Je me voyais déjà jouer dans un film aussi fort…et ça ne s’est pas du tout passé comme ça ! La première année, j’avais été assez triste et déçu, car même si j’avais rencontré des gens super dans la section théâtre, je voulais rencontrer également des metteurs en scène hors tout était séparé : il y avait un bâtiment théâtre et un bâtiment cinéma. Il n’y avait pas de rencontres. Il faudra attendre ma quatrième année pour enfin faire des faces caméra avec des réalisateurs que j’aime beaucoup. Les rencontres les plus importantes en terme cinématographique sont venues après…J’ai terminé mes études en 2006 et c’est en 2009 que j’ai commencé à faire du cinéma avec un réalisateur avec qui je travaille encore beaucoup aujourd’hui qui s’appelle Vincent Lannoo. J’avais envie de le rencontrer et donc j’ai fait de la figuration sur Vampires. On a tout de suite bien accroché et plus tard il m’offrira un rôle dans Au nom du fils.
Justement vous remportez un Magritte du cinéma pour votre rôle dans Au nom du fils . C’est une belle reconnaissance..On le vit comment ?
Au moment où je reçois le Magritte, je suis très heureux et très ému. J’ai vraiment pris ça pour un encouragement de la part de la profession. Et puis, j’étais fière pour le film, car Au nom du fils avait eu, comme beaucoup de films belges, une sortie discrète. Il y avait eu des entrées, mais ce n’était pas Astérix et Obelix. Le fait qu’il y ait eu ce prix-là, ça a mis en lumière le film. J’étais content pour ça et pour toute l’équipe. Ce fut une expérience tellement belle ! Quand je reçois le prix, je suis vraiment touché…et je repense aux sacrifices, à ma famille, à mes amis ainsi qu’à toutes les personnes que j’ai pu rencontrer dans ce métier…Puis il y a une sorte d’euphorie qui suit ! Tu reçois même des messages de gens qui étaient avec toi en primaire pour te féliciter (rire) parce qu’ils t’ont vu à la télé ! Ça fait plaisir, mais ce n’est pas ça qui vous donne plus de travail…bien au contraire. Bizarrement, on change de statut aux yeux des gens et ils s’imaginent que parce qu’on a eu un Magritte, on va refuser d’avoir un petit rôle dans un film.
Cinéma, théâtre, mais il y a aussi la chanson…
Oui ! La chanson fera toujours partie de ma vie, mais ce n’est pas ça qui va payer mon loyer. Si j’avais voulu que ça paye mon loyer, il aurait fallu prendre le temps d’en faire un véritable projet. Il y a des années, j’avais participé à un concours, la Biennale de la chanson française. J’avais été proclamé deuxième lauréat et obtenu le prix du public. C’était une belle expérience ! Et c’était chouette de voir la résonance avec le public…mais voilà si j’avais voulu continuer dans cette voie, j’aurais dû abandonner le théâtre ou le cinéma ou en tout cas en faire moins…Puis j’étais dans la chanson française et à ce moment-là en Belgique, on favorisait les groupes qui chantaient en anglais comme Girls In Hawaii et je ne me sentais pas très Girls In Hawaii (rire) ! Chanter, je le fais encore dans les spectacles que je fais et souvent les metteurs en scène me le demandent. Dans Anti-Héros, je chante aussi…
Justement, parlons de ce spectacle Anti-Héros mis-en-scène par Nathalie Uffner qui se joue au TTO…Comment ce projet est-il né ?
Il y a deux ans, on m’a proposé de faire un seul en scène au festival qui s’appelle le Festival XS au Théâtre National. Un festival de forme courte avec plein de spectacles et durant la soirée les spectateurs passent d’un spectacle à un autre. J’avais besoin pour l’écriture d’un fil conducteur et c’est en regardant le film « Appelez-moi Kubrick » que l’idée est venue…. Ça m’avait beaucoup touché, cette histoire d’imposture pour scénariser sa vie afin de la rendre plus intéressante…parce qu’ils n’arrivent pas à être eux-mêmes et parce qu’ils s’ennuient. J’avais fait un lien avec mon métier d’acteur, car dans mon métier, il y a beaucoup d’impostures. Tu es en représentation. C’est quoi le masque ? C’est quoi jouer ou ne pas jouer ? C’est quoi vouloir toujours plaire ? Ça a bien marché au Festival XS et j’ai voulu continuer. C’était une sorte de nouveau défi théâtral et j’ai voulu le réaliser en allant dans un théâtre que je ne connaissais pas et de travailler avec un metteur en scène que je ne connaissais pas. Quand je pensais à un seul en scène, j’avais directement comme référence en Belgique Laurence Bibot et Nathalie Uffner. Donc je me suis décidé à la rencontrer et ça a accroché directement. Nathalie Uffner était très à l’écoute de qui j’étais et ce que je voulais. C’est quelqu’un qui a beaucoup de bienveillance et qui connait bien ce métier. Nous nous comprenons, nous avons les mêmes références… Puis c’est un beau challenge, un seul en scène pendant une heure dix. Physiquement, c’est très difficile ! J’admire de plus en plus tous ceux qui font des seuls en scène… C’est une belle expérience et c’est aussi une rencontre avec un autre public.
Et après ?
Après, j’enchaîne avec un autre seul en scène (rire) ! C’est vraiment par hasard ! C’est un metteur en scène qui me l’a proposé, mais le texte ne sera pas écrit par moi…car si j’avais dû en écrire deux cela aurait été vraiment difficile (rire) ! Le spectacle va s’appeler « Propaganda » et ce sera au théâtre des Tanneurs. Donc là je répète la journée et je joue le soir au TTO. C’est sportif ! Puis, je fais un petit tournage avec un comédien que j’aime beaucoup Mathieu Amalric pour une série télévisée pour Arte qui s’appellera l’Agent immobilier. Tout le mois de mars, je suis à Paris où je joue un spectacle de Virginie Despentes « Appocalypse Bébé ». Et encore beaucoup d’autres choses…
Un rêve un peu fou que vous voudriez réaliser…
On en parle avec Nathalie, un peu comme ça… Moi, j’aimerais bien faire une comédie musicale… J’avais adoré « Dancer in the Dark« , c’était du grand génie ! J’adore également les films de Jacques Demy. Ces films me touchent énormément…Donc oui, faire une comédie musicale sur le plateau ou au cinéma, mais il faut vraiment que ce soit bien fait parce qu’aussi non ça peut vite devenir bien kitch. Jouer dans une comédie musicale pourrait réunir tout ce que j’aime faire : jouer, chanter, danser… Ou sinon travailler avec des gens que j’admire depuis toujours comme Jacques Audiard…travailler avec Björk tout simplement (rire) !
Plus d’info ?
http://www.ttotheatre.com/spectacle/anti-heros/