Montevideo :
« Il n’y a plus de règles en musique! »
Le groupe belge Montevideo a sorti son troisième album, « Temperplane » enregistré à Brooklyn . Un album très pop avec un soupçon d’électro, sur lequel un soin tout particulier a été apporté aux voix. Nous avons rencontré le chanteur et guitariste, Jean Waterlot.
Comment cette passion pour la musique est née ?
La musique est arrivée très tôt dans ma vie. C’est ma mère qui m’a transmis cette passion. C’est quelqu’un de très mélomane. Étudiante elle animait, sur une radio libre, un show. Mes grands-parents étaient anesthésiste et chirurgien et ils ne l’ont jamais vraiment poussée à faire de la musique d’une manière professionnelle. Je crois qu’elle a voulu réparer ça quelque part avec nous. Elle m’a mis au piano très jeune et elle a réalisé que j’avais quelque chose d’inné et qu’il fallait encourager cette fibre. Quand j’avais 11 ans, on faisait de la musique à quatre mains dans une église. Du côté de mon père, la fibre remonte à mon arrière-grand-père qui était Chef d’Orchestre. Je me dis que j’étais quelque part prédisposé à la musique.
Et la guitare ?
À 14 ans, j’écoutais Guns N’ Roses et Nirvana et j’ai acheté ma première guitare. J’avais de la chance d’avoir des parents ouverts à ça sans pour autant vouloir me pousser dans quelque chose d’académique. J’ai fait seulement trois années de solfège et j’ai vite fait comprendre à ma mère que ce n’était pas pour moi. Mon frère aîné a toujours joué de la batterie. J’ai toujours eu des groupes avec lui et dès notre adolescence nous avons enchaîné les projets…
Justement Montevideo est composé d’amis et de ton frère…
Oui, c’est ça qui est génial ! C’est vraiment quatre potes et deux frères. Mon frère a trois ans de plus que moi et il me les a présentés. À l’époque, ils avaient un groupe de Ska qui est une musique très particulière. Un jour, je remplace quelqu’un de la section cuivre au pied levé. Au fil des jours, le groupe s’est disloqué et on m’a proposé de chanter.
2006 sort le premier album…
À l’époque, je travaillais dans une pizzeria. Le patron nous avait déjà vus jouer quelques fois et un jour il m’a gentiment proposé de sponsoriser l’enregistrement de l’album. Grâce à lui, nous avons pu avoir une démo pour pouvoir démarcher de manière un peu plus professionnelle. Nous avons collaboré avec le producteur Rudy Coclet qui avait réalisé les albums d’Arno, Ann Pierlé… Il était en pleine ascension et c’était notre première expérience studio. Cette démo est arrivée dans les mains de John Stargasm de Ghinzu qui est venu nous voir lors d’un de nos concerts qui se déroulait dans la pire salle imaginable sur le campus de l’UCL avec cinq centimètres de bière sur le sol. John Stargasm était également propriétaire de Dragoon, un label de disques. Nous sommes retournés en studio et nous avons finalisé notre premier album.
Et de là vous décidez de vivre de votre passion…
Oui, cette année-là j’ai arrêté mes études que je suivais sans grande conviction. J’ai annoncé à mes parents que je voulais me consacrer à la musique excepté que c’est compliqué de pouvoir en vivre donc j’ai fait pas mal de boulot de fortune. Je suis parti de chez mes parents puis en 2008, j’ai rejoint Ghinzu sur scène. C’était une belle expérience de rejoindre un groupe bien installé, de pouvoir faire des tournées. Ça a boosté ma carrière!
Justement entre vos albums, il y a souvent eu 6 ans d’absence…
Oui, c’est beaucoup et puis à la fois ce n’est pas grand-chose. Il s’est passé tellement de choses sur ces six dernières années. J’ai collaboré avec Ghinzu, je me suis intéressé au BO pour les films, mon père est décédé, je suis devenu papa … On dit souvent qu’un groupe doit rebondir sur le succès de son album, le plus vite possible et c’est certain que nous sommes à contre-courant. Après, je n’ai pas de honte à dire que nous avons tous des jobs à côté : Gabriel le bassiste est architecte, mon frère est ébéniste, Manu le guitariste gère trois bars à Bruxelles qui sont la Maison du Peuple, la Biche et le Caberdouche. Je pense qu’aujourd’hui c’est ça… On peut être diversifié sans toucher à notre intégrité artistique et s’octroyer le luxe de faire un album comme on a envie de le faire dans les meilleures conditions.
Votre dernier album « Temperplane » sorti sur le label Tigersushi, de son producteur Joakim Bouaziz, a été enregistré à New York…
Oui, la rencontre avec Joakim a été très enrichissante. C’est un artiste à part entière. On le considère comme un membre du groupe. Il vit à New York… C’était une immersion pour le groupe…Être là pour un album et rien d’autre et c’était une réussite totale même si la période était un peu étrange avec les attentats. Nous avons pris l’avion le 22 mars à l’aéroport de Zaventem quand nous avons atterri, nous avons été confrontés à cette réalité atroce. Ce qui a donné naissance quelque part au concept de l’album… Ce vaisseau imaginaire dans lequel le groupe voyage et regarde la terre d’en haut en se disant que le monde connaît une certaine forme d’apocalypse. Je pense que cet album fait partie d’une sorte de trilogie. Aujourd’hui avoir un album n’a plus beaucoup de sens, on est aux EP et aux réseaux sociaux. On teste la musique via ces canaux avant de décider si on l’enregistre ou pas. Finalement, il n’y a plus de règles en musique. Tout est possible. Tout est instantané !
Quel est le morceau sur ce dernier album dont vous êtes le plus fier ?
Pour moi, c’est Empty Space, la plage qui clôture le disque. Je trouve que c’est un morceau qui termine un cycle et qui en entame un nouveau. Il définit le son de l’album d’après. J’aime bien ce principe… Après, je suis fier de beaucoup de morceaux, mais celui-là possède une élégance.
Un projet un peu fou que vous voudriez un jour réaliser ?
J’aimerais faire un film sur le groupe dont la BO en soit l’album. Cela pourrait être une fonction avec les membres du groupe… Des projets fous, j’en ai des tonnes… J’aimerais jouer le répertoire avec un orchestre…
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Photos : @Christophe Vanderborght