Axel Cornil:
« Je demeure un garnement vorace ! »
Axel Cornil est comédien, auteur, metteur en scène et artiste associé au théâtre du Rideau de Bruxelles. Axel Cornil a un goût prononcé pour la politique et la littérature. Il trouve souvent le monde injuste et cruel… Face à ce constat, il fabrique des spectacles et noircit du papier.
Vous êtes né dans le Borinage dans les années 90 et vous adorez préciser que ce n’est pas une tare (rire)…Votre père est anarcho-syndicaliste et votre mère est romaniste. C’était comment de grandir dans cet univers ?
Le Borinage comporte des paysages magnifiques ! Ce sont des paysages bruts à la fois, tristes et pleins de vitalités… Il y a quelque chose dans cette région qui me porte, tout comme je porte cette région en moi ! Il y a un vrai rapport à la joie qui vient de là et en même temps aussi à la violence et à la tristesse ! En ce qui concerne mes parents, ils m’ont transmis un fort amour pour la lecture. Via ma mère bien évidemment, et via mon père, car je lis beaucoup d’essais sur la politique, sur l’économie ou sur la philosophie politique et beaucoup de fictions. Donc oui, je pense qu’au niveau lecture j’ai pris des deux ! J’en fais un mélange et je bazarde ça sur scène de temps en autre, comme je peux (rire) !
L’écriture ou le théâtre était déjà une passion, petit ou c’est venu plus tard ?
Je fais du théâtre depuis que j’ai 9 ans ! J’étais un garçon un peu difficile et le théâtre m’a permis de me calmer et de me canaliser, car le théâtre vous apprend à travailler avec les autres, à vous exprimer…
Et quand est-ce que vous vous êtes dit que vous alliez faire le Conservatoire ?
À la base, je voulais être professeur d’histoire et puis j’ai changé 3 mois avant la fin de ma rhéto ! Je me suis dit que j’allais tenter l’examen d’entrée et si ça ne marchait pas, je ferais Histoire… Et ça a marché ! C’est comme ça que je suis rentré au Conservatoire de Mons en Art dramatique. J’ai rencontré plein de gens. J’ai commencé à écrire des dialogues. Le soir avec mes camarades, on lisait, pas mal de textes autour de quelques verres de bière. Et un soir, j’ai proposé qu’on lise ce que j’avais écrit. Et quelqu’un m’a dit : « Si tu vas jusqu’au bout, on le fait, on le monte ! ». Et ça a commencé comme ça ! C’était la première pièce que j’écrivais ! Écrire des pièces de théâtre et faire des projets, ça a toujours été des affaires de bandes, de paris de sales gosses… On va jusqu’au bout et on verra bien ce que ça donne !
Et puis, vous faites l’INSAS en écriture dramatique…
C’est exact ! Je me souviens que j’avais un peu peur de venir à Bruxelles (rire) ! Et puis à l’INSAS, je suis tombé sous la houlette de Jean-Marie Piemme et Virginie Thirion. Ce fut une très belle rencontre. Ce qui était marrant, c’est qu’il a fallu que j’aille à Bruxelles pour me rendre compte que j’étais Wallon (rire) ! Je porte ça fort en moi, comme une identité. Jean-Marie Piemme est un puits de science, c’est un théâtre à lui tout seul… J’ai appris plein de choses. À côté de ça, j’avais des petits contrats, j’écrivais…
Après l’INSAS, vous avez écrit avec un rythme assez soutenu. C’est quasi un, voir deux livres, chaque année…
C’est trompeur sur papier, car ça m’est quand même deux-trois ans d’écrire ! L’avantage c’est quand on sort un texte, on est déjà en train de travailler sur le suivant. Le rapport à l’écriture est quelque chose d’assez particulier, car quand les gens commencent à monter la pièce; mon travail s’arrête. Il prend fin quand celui des autres commence. Après c’est vrai, il y a une bonne cadence ! Je demeure un garnement vorace (rire) !
Dans vos textes, vous mélangez les mythes, les réflexions politiques, les terres… Qu’est-ce qui vous inspire ?
Quand j’étais en secondaire, j’ai suivi un cursus de latin-grec, j’ai toujours été fasciné par les mythes, les structures un peu archétypales qu’on retrouve… Avec ma dernière pièce Ravachol, c’est ce qu’il se passe. La personne a vraiment existé, mais on le mythifie. Ça tient presque de la tragédie même si elle est sociale et politique ! Il y a donc ces histoires un peu barbares, sanglantes qu’on retrouve à tous les âges de l’humanité et puis il y a beaucoup d’écrits politiques. Je suis abonné à la maison d’édition La Fabrique qui est chapeautée par Éric Hazan qui m’a beaucoup éclairé et encore plein d’auteurs… Finalement, le théâtre est toujours une affaire de politique. On doit collaborer avec des gens pour monter le spectacle et on doit faire venir d’autres personnes pour le voir ! C’est une vision d’ensemble ! Et puis, il y a la langue ! Tout ce qui est de l’ordre de la poésie, du lyrisme un peu plus brut… Là il y a vraiment de grands coups de coeur par exemple : Bernard-Marie Koltès; Louis-Ferdinand Céline … J’ai un profond amour pour les langues qui sont très lyriques et à la fois pour les langues de charretier qui manient le verbe comme un hachoir !
Justement Ravachol est non seulement un personnage qui a existé. C’était un anarchiste au 19e siècle, mais c’est également une expression dans le Borinage pour parler des mecs un peu bagarreurs et qui ont l’air de n’en avoir rien à faire de rien.
J’utilisais cette expression quand j’étais dans le Borinage et quand j’ai réalisé que c’était une personne qui avait vraiment existé, je me suis intéressé à cet anarchiste au parcours rocambolesque ! J’ai découvert qu’il avait dicté ses mémoires aux policiers qui l’avaient gardé, qu’il avait un vécu de bagarreur, de sauvage ! Ravachol avait vécu dans la précarité la plus complète et s’était radicalisé politiquement et était allé au bout de ses convictions ! J’avais l’impression que ça faisait écho à beaucoup de questions que les gens aujourd’hui se posent. Je voyais très clairement un lien entre ce personnage et cette mouvance contestataire qu’on assiste aujourd’hui en politique.
Vous avez une jolie collaboration avec le Rideau de Bruxelles…
En effet ! La toute première pièce que j’avais montée s’appelait « Magnifico » et nous l’avions joué trois fois dans la cadre d’un festival qui se jouait au Poème 2. C’est là que la première rencontre s’est faite ! Je connaissais bien ce théâtre, car j’y allais souvent. Je voulais travailler avec Frédéric Dussenne et je lui en ai parlé. Il a voulu qu’on travaille sur Antigone et on a réalisé Si je crève ce sera d’amour / Crever d’amour qui a été joué au Rideau de Bruxelles ! C’était une très belle expérience, je suis même parti en Afrique avec ce spectacle ! Et puis, Michael Delaunoy m’a fait la proposition de devenir artiste associé ! Et j’ai bien évidemment dit oui ! C’est trop bien ! C’est un des plus vieux théâtres de Bruxelles, c’est une maison de littérature aussi… Je ne peux pas être plus à ma place…
Un projet un peu fou que vous voudriez réaliser ?
J’aimerais faire un très grand spectacle sur la création de la Belgique et qui s’appellerait : « De tous les peuples de la Gaule » ! Ce serait avec 12 comédiens et on partirait en création pendant 1 an ! On retracerait de la naissance jusqu’à la mort prochaine de la Belgique (rire)!
Plus d’info ?
Photos : @Christophe Vanderborght
Remerciement au Booz N’ Blues pour leur accueil