Dans les coulisses du Bozar :
Sophie Lauwers
Si, on trouve facilement sur le NET des images ou vidéos de Sophie Lauwers qui présente les expositions, on ne trouve pas grand-chose sur sa vie, son parcours… Or, Sophie Lauwers travaille depuis des années au Palais des Beaux-Arts où elle est Chef des Expositions. Brussels Is Yours a voulu savoir qui sont ces personnes extraordinaires qui travaillent dans l’ombre du Bozar en proposant au public une programmation pointue des plus réussies.
D’où est née cette passion pour l’art ?
Je pense que je l’ai toujours eue, peut-être de manière plus indirecte avant. Je ne suis pas née dans une famille d’intellectuels ou de culturelle…Mon père était pâtissier, c’était un univers différent. L’art n’avait pas beaucoup de place, mais j’avais contradictoirement des artistes dans ma famille. Mon oncle et mon grand-père peignaient, il y avait également des musiciens… C’était donc présent d’une manière ou d’une autre.
Arrivée à l’université, vous choisissez Sinologie, un ensemble d’études relatives à la Chine…
Oui, mais je n’ai fait qu’une petite année. Je pense que je dois encore être capable de dire deux phrases en chinois (rire) ! J’avais choisi ces études pour ne pas faire comme tout le monde…un peu par provocation peut-être. Puis, j’avais une amie qui était passionnée par la Chine et ça m’avait attirée par curiosité.
Ensuite, vous étudiez l’histoire à la VUB et une fois votre diplôme en poche, vous devenez pendant un an assistante créative…
Oui, j’étais déjà dans le milieu de l’art contemporain, mais sans y connaître vraiment quelque chose. J’étais très jeune, j’avais besoin de gagner ma vie. Je suis rentrée dans une agence de publicité comme ce qu’on appelle « Art Buyer », mais ce n’était pas vraiment acheter de l’art. J’étais vraiment très nulle, je ne connaissais rien… J’avais une de mes collègues qui n’arrêtait pas de me dire que je devais faire autre chose. À ce moment-là, je fréquentais beaucoup d’artistes et j’ai commencé à faire des petits projets à gauche et à droite…à chaque fois un peu plus grand. Il s’agissait de projet d’art contemporain dans des bâtiments vides, par exemple. Même si ce n’était pas grand-chose, c’était déjà un début. Et puis, il y a eu ce moment où tout a changé et a pris de l’ampleur. Je travaillais pour Bruxelles 2000 où j’étais Project Manager. Les bâtiments se trouvaient rue de L’écuyer, à ce moment-là. La banque Artesia possède une collection d’art contemporain très importante. Ils souhaitaient la mettre dans ce bâtiment et ils cherchaient quelqu’un pour faire la coordination et gérer la collection. Ils m’ont sollicité. Je me présente donc à l’entretien et je suis en train d’attendre dans la salle d’attente. Je voyais tous les journaux qui mentionnaient les fusions qu’il y avait eu et tous les changements que cela comportait. Et personne n’est venu me chercher. Je suis donc rentrée bredouille en me questionnant sur mon avenir professionnel quand soudain mon téléphone sonna : c’était le directeur du Palais des Beaux-Arts. Je le connaissais à travers mes projets, il savait exactement ce que je faisais. Il cherchait une coordinatrice d’exposition et c’est comme ça que j’ai commencé au Bozar…et je ne suis plus jamais partie.
Votre parcours au Bozar est assez impressionnant ! Vous commencez comme coordinatrice d’exposition pendant 9 ans, puis vous devez Directrice adjoint des expositions et depuis 2014 Chef des expositions…
J’ai eu beaucoup de chance ! Quand je suis arrivée au Bozar, je savais que je ne commençais pas dans le poste que je voulais, mais j’avais de l’ambition. Donc je me suis donnée…et je me donne toujours autant ! J’adore travailler au Bozar pour différentes raisons. D’abord, le bâtiment qui est une oeuvre architecturale en soi. Il n’y a pas un mètre qui n’a pas été réfléchi ! Tout est beau dans les moindres détails. Il est très modeste de l’extérieur, il cache sa beauté. Il y aune vie, un contenu à l’intérieur qu’on ne voit pas de l’extérieur. J’aime cette contradiction ! C’est un lieu également qui est charnière : il y a la gare centrale, pas très loin, qui est également un chef d’oeuvre d’Horta et dans lequel on peut se perdre si facilement; il y a la Grand-Place et le Palais Royal… le Palais des Beaux-Arts est vraiment le lien entre le bas de la ville et le haut. J’aime aussi le fait qu’on puisse se perdre aux Bozar…c’est important d’avoir des repères, mais c’est bien aussi de se perdre de temps en temps… C’est très riche comme expérience globale. On peut commencer sa journée par un café dans la Brasserie, puis aller voir une exposition; flâner dans le book shop, manger au restaurant étoilé, aller voir un concert ou un film… C’est vraiment un temple de la culture.
Comment procédez-vous pour créer la programmation ?
Il y a plusieurs dynamiques car je ne suis seule. Nous sommes toute une équipe et il y a Paul Dujardin qui est le directeur général et artistique qui possède une vision plus globale. C’est le bâtiment qui dicte notre manière de travailler, c’est aussi la ville car Bruxelles est la capitale de l’Europe. C’est donc aussi pour nous important d’avoir la vision de l’Europe au travers de son identité culturelle. Comme par exemple, aujourd’hui nous avons l’exposition BEYOND KLIMT qui est vraiment dans la thématique de l’Europe. En juin dernier, il y avait l’exposition RESIST pour l’anniversaire de mai 68. Cette exposition avait un lien également avec l’endroit puisque MAI 68 c’est déroulé à Bruxelles, ici, au Palais des Beaux Arts. Donc pour nous, c’est vraiment important de trouver des sujets qui sont liés à l’actualité parfois même un peu plus expérimentaux. Ce sont toutes des choses qu’on peut faire à Bozar et pratiquement pas ailleurs… avec un public qui nous suit !
Photo illustrant l’article : @Christophe Vanderborght