Denis Meyers :
after remember…

Denis_meyers

Denis Meyers est l’artiste qui a marqué les esprits avec son magnifique et grandiose projet Remember-Souvenir. Depuis, il enchaîne les projets et les collaborations. Derrière cet artiste incroyable, il y a un homme. Un homme qui vit de sa passion, qui travaille sans relâche, qui cherche tous les jours à apprendre quelque chose et qui trouve son inspiration à travers le monde qui l’entoure. 

Vous êtes né en 1979 à Tournai, votre grand-père est le célèbre Lucien De Roeck, graphiste et affichiste belge particulièrement connu pour avoir créé le logotype de l’exposition universelle de 1958. Il vous a appris la rigueur en vous conseillant de dessiner au moins un dessin par jour. L’art est quelque chose qui s’initie dans votre famille ? Vous essayez également de le transmettre à vos enfants ? 

Denis_meyersJ’essaye d’initier mes enfants, mais sans pression comme mon grand-père a pu le faire avec moi. Il nous encourageait, nous motivait… Une de ses phrases les plus importantes pour moi, ce fut, ce fameux : « un dessin par jour »… Il m’a fallu du temps pour le comprendre et pour comprendre la profondeur et la justesse que cela exprimait dans une démarche artistique. J’ai réellement compris le sens de la phrase, il y a 15 ans quand je suis rentré dans une pratique professionnelle, ce n’est pas tant de faire un dessin par jour, c’est qu’une pratique artistique il faut l’envisager pas en tant qu’artiste, mais en tant qu’artisan. Un artisan, c’est quelqu’un qui apprend et qui parfait sa technique jusqu’à son dernier jour et c’est vraiment l’idée de pratiquer tous les jours pour pouvoir aiguiser un oeil, une main … Cette phrase peut s’appliquer à tout le monde que ce soit un menuisier, un boulanger … c’est de se dire que tous les jours, nous pouvons apprendre quelque chose. Pour moi, une démarche artistique se nourrit de plein de choses : de voyages, de rencontres … et pas spécialement de gens qui sont dans l’art, dans la peinture…

Vous avez fait des études en typographie ? Cette idée est venue comment ? 

Denis_meyers

@Sebastien Alouf

J’ai fait une année préparatoire à Saint-Luc après Tournai. A l’époque, je voulais me diriger dans l’artistique, mais je ne savais pas vraiment vers quoi me tourner. Je me prédestinais à rentrer en graphisme à Saint-Luc. Puis mes parents m’ont parlé de la Cambre en me disant que c’était une bonne école et que mon grand-père y avait été. J’y suis allé. Il y a avait une liste d’ateliers et j’ai choisi la typographie sans savoir que mon grand-père avait fait le même choix des décennies avant et qu’il avait été professeur de ce même atelier pendant 30 ans ! C’est hallucinant, n’est-ce pas ? Je ne le savais pas du tout ! Pour moi, mon grand-père c’était mon grand-père, ce n’était pas un prof ou un artiste…J’ai donc réalisé qu’en mettant les pieds dans cet atelier, je suivais une trace très familiale…Ce qui n’a pas été simple à porter. Tous mes professeurs étaient des anciens élèves à mon grand-père. J’ai eu des professeurs qui m’en voulaient… Je me suis accroché et j’ai terminé avec une grande dis’. 

Alors une fois votre diplôme à la main, qu’est-ce qu’il se passe ? 

Denis_meyers

@Jon Verhoeft

Déjà étudiant, je travaillais pour des petits clients. Je faisais des stickers, des expos, des vêtements, des fresques…j’ai toujours été très actif. Et une fois que j’ai obtenu mon diplôme et bien ça a continué dans ce sens-là. Je faisais beaucoup de graphisme et peu d’expos par manque de temps. J’étais assez frustré de devoir travailler dans le rush, c’est quelque chose qui m’a plombé de plus en plus…Le projet Remember-Souvenir m’a permis de me réaliser plus en tant qu’artiste… De me dire, à la base, que pendant 3 mois je n’allais faire que ça…puis ça a duré 18 mois finalement ! 

On peut dire qu’il y a eu un avant – après Remember-Souvenir ?

Clairement ! Pas que dans les retombées, la notoriété, la médiatisation…mais aussi de manière personnelle, artistique … à tous les niveaux, il y a eu un vrai changement ! Puis c’était un projet très personnel, basé sur 20 ans de carnets de dessins qui représentent mon histoire, mais aussi basé sur l’issue d’une séparation que j’ai eu beaucoup de mal à gérer. C’est un projet qui m’a relevé d’un état qui était passablement très bas, puis ça m’a permis de rencontrer pleins de gens, de m’assumer en tant qu’artiste, de ne plus devoir faire du graphisme. Il a fallu ça pour que je m’assume en tant qu’artiste pleinement ! 

Remember-Souvenir était un projet qui dès le départ était destiné à mourir dans un certain laps de temps. Mais ce que je trouve finalement très beau aujourd’hui, c’est que le projet continue d’exister dans la mémoire collective, puis il va y avoir le livre qui va sortir, le DVD, la 3D… Il y a une sorte de continuité, un souvenir…

Denis_meyersTout à fait…et ce qui est très marrant c’est que dès le postulat de base et le dernier jour où le bâtiment a été détruit, rien n’était prévu. A la base, je ne devais avoir que 3 mois puis on a rajouté du temps au fur et à mesure et j’ai eu 18 mois ! Jusqu’à 6 mois, je ne communiquais rien, ni à personne. Et puis, tout s’est enchainé ! J’ai une amie qui est venue voir, elle est journaliste, elle m’a dit « je veux en faire un article ». Au début, je ne voulais pas. Puis, elle a insisté. Je pensais avoir une colonne, j’ai eu une double page. Ensuite, on a décidé de faire un vernissage. On espérait 500 personnes, on en a eu 2700 ! Le weekend d’après, on avait commencé les groupes pour les visites, il y avait 10 groupes de 20 visiteurs de prévus, en se disant que si tout n’était pas réservé, on annulerait les guides. Et puis, tout a été pris en quelques minutes, on a ajouté des dates et puis encore et encore…et on a eu entre 20 et 25 000 visiteurs au total ! Il y a eu des collaborations avec Dandoy, la chanteuse Jane, Bellerose,… Tout ce que je rêvais de faire depuis des années et que je faisais, mais d’une manière éparse, j’ai pu le réaliser dans des conditions extraordinaires !

Comment êtes-vous arrivé à ne pas vous noyer dans un tel projet ? Vous vous êtes endetté, vous avez passé plusieurs mois dans un bâtiment désaffecté, seul, avec des conditions climatiques entre neige, froid et pluie…Comment garder la tête hors de l’eau et ne pas abandonner ?

Denis_meyers

@Sebastien Alouf

Je crois que je me suis noyé plusieurs fois, vraiment ! Presque au sens physique de l’expression. Je me suis fait engloutir par le bâtiment. Il avait pris le dessus et puis ça a basculé et j’ai repris le dessus. Il y a plusieurs expressions en lien avec le bâtiment,  je lui ai donné une seconde vie, les gens l’ont célébré, l’ont visité …il y a eu des demandes en mariage…des clips…Je me suis tellement dit parfois : « je vais arrêter ». Je devenais de plus en plus blême à force de ne pas voir le soleil…et c’est finalement toutes les personnes qui m’ont aidé dans cette aventure, qui m’ont toujours apporté le coup de pouce dans ces moments-là. C’est pour eux que je ne baissais pas les bras. J’avais envie d’arrêter, mais j’ai été plus fort que ça…j’ai dépassé ça…

Et depuis… Vous êtes parti à l’étranger : Brésil, Sénégal …Une manière de faire le deuil du projet ?

Denis_meyersBrésil, Sénégal, île Maurice, Allemagne… J’avais envie de voyager, changer d’air même si tous ces projets étaient professionnels. J’ai peigné des fresques pour des projets caritatifs. Au Sénégal, c’était avec l’ASBL Action Sénégal avec qui je retourne normalement à la rentrée. L’île Maurice, c’était pour Meta-Morphosis… Ce n’était pas pour faire mon deuil du projet, car je l’avais fait lors du premier jour de démolition puisque c’est moi qui ai donné le premier coup de pelleteuse… C’était d’ailleurs une de mes rares exigences auprès du promoteur. Symboliquement, c’était une manière de tourner la page…J’avais très peur de la démolition… Passer autant de mois dans ce lieu, en étant le seul à en posséder le clefs. On s’y attache physiquement, sentimentalement…

Et maintenant, quels sont vos projets ? 

Denis_meyersJe n’ai plus de projets de cette envergure-là, mais j’en ai plein d’autres… J’essaye d’être assez sélectif dans ce que je fais, ce n’est pas toujours facile. Continuer dans le caritatif… J’ai de plus en plus de propositions à l’étranger notamment pour l’anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme, je fais faire une fresque au musée de l’Homme à Paris avec des artistes mondialement connus. Et puis, plein de collaborations avec des chocolatiers, des Chefs étoilés …. J’ai la chance d’avoir un métier qui me plait et de pouvoir en vivre, je ne suis pas richissime … J’ai beaucoup travaillé pour en arriver là, mais je pense que j’ai une bonne étoile…

 

Plus d’info ? 

www.remember-souvenir.me

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Photo illustrant l’article : Gilles Parmentier