Rencontre avec Éric De Staercke
Mentionné le nom d’ Éric De Staercke et tout le monde vous répondra « Directeur du théâtre des Riches-Claires », « Théâtre loyal du Trac », « La ligue d’impro », « Le jeu du dictionnaire », « Ici bla-bla », « café serré », « professeur à l’IAD » et un nombre incalculable de pièces de théâtre et de films dans lesquels il a joué. Pour le moment, Éric De Staercke joue dans le spectacle « L’histoire des ours pandas racontée par un saxophoniste qui a une petite amie à Francfort » et reprendra pour notre plus grand bonheur « L’entrée du Christ » en décembre. Rencontre avec ce grand artiste…
Dès votre plus tendre enfance, vous racontiez des histoires à votre soeur pour l’aider à s’endormir. Comme elle s’endormait très vite, vous les terminiez seul… Est-ce de là qu’est née votre passion pour le théâtre ?
Quand on me demande « Pourquoi tu fais du théâtre », j’ai toujours une explication différente qui arrive. Je ne le fais pas exprès ! C’est tout simplement qu’il n’y a pas qu’une seule raison. Une de mes raisons fondamentales est de raconter des histoires et il est vrai que ma petite soeur n’arrivant pas à dormir me demandait de lui en raconter, mon entrainement est venu de là. Une des autres raisons est que mon grand-père m’avait offert un poste de radio et le soir quand j’allais dormir, j’écoutais les dramaturges. J’imaginais la mise-en-scène, les costumes, … Et quand je suis sorti de l’école de théâtre, on me proposa de faire de la radio et là je me suis rendu compte qu’il n’y avait de costumes, qu’on faisait les bruits de gravier avec un bac à chat ou un secouant un trousseau de clés (rire)…mais cette expérience m’a appris à imaginer et à créer dans ma tête.
La religion catholique était très présente dans votre famille et vous vous y investissiez assez fort…
Oui, jusqu’à mes 18 ans et puis j’ai claqué la porte pour plein de raisons. D’abord, parce que j’étais très naïf… et puis parce que plus j’avançais dans le théâtre, moins j’y croyais. Et plus je croyais que les gens ont un besoin de croire. Je respecte beaucoup les gens qui croient. Mes parents sont très croyants. À l’âge de 18 ans, je me suis occupé de jeunes avec lesquels j’avais construit des nichoirs d’oiseaux pour l’association « Frères des Hommes« . Nous nous sommes mis à la sortie d’une église à Ixelles, commune assez riche, et nous étions avec un frère qui expliquait ce que l’association allait faire avec l’argent récolté. On a vu sortir des gens en vison, nous envoyer clairement promener ou nous regarder d’un air hautain. Et je me suis rendu compte que je ne voulais pas faire partie de ce monde. C’était trop hypocrite. Et ça s’est cassé… Le texte, le fond, le sens, la philosophie m’intéresse, mais plus la forme.
A 11 ans, vous découvrez « Le malade imaginaire » de Molière et vous direz plus tard que vous n’aviez pas beaucoup compris le sens du texte mais que sur scène ils avaient l’air de bien s’amuser…
Oui tout à fait ! C’est une amie de mes parents, professeur de français au collège Saint-André à Ixelles qui un jour débarqua à la maison…c’est une dame qui est toujours passionnée et passionnante…et elle nous dit qu’elle a une place en trop pour aller au théâtre ce soir-là. Mes parents avaient du travail, mes frères ne voulaient pas y aller et moi j’ai dit oui. Je me souviens de cette vue sur la scène et j’avais envie d’être là. Je les voyais qui s’amusaient et amusaient les autres et ça m’a donné envie de vouloir faire ça un jour. Mais je n’osa pas faire le pas. Je suis dans une famille qui n’est pas tournée vers l’art, elle s’y intéresse, elle aime, elle va voir des expositions, lis des livres, mais n’imaginait pas qu’on puisse en faire un métier… Tandis que moi, tout commence à me pousser vers ça. Au scout, je fais des sketches, à l’école aussi, j’ai des facilités en écriture…même dans les cours de langues où je suis nul, j’écris des sketches et j’en écris même pour d’autres. Un professeur de mathématiques m’arrêta sur une injustice et me fit redoubler. C’est à ce moment-là que je me suis posé la question : « Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ? » et là le théâtre vient en premier lieu. À 14 ans, j’avais dit à ma mère que je voulais faire du théâtre et elle m’avait répondu que je devais faire des études avant. Du coup, je n’en avais plus jamais parlé. À la fin de mes humanités, il fallait me décider. J’utilise le rire pour beaucoup de choses même quand j’exprime mes sentiments, ce qui m’est souvent reproché… Donc quand mes parents me demandaient ce que je voulais faire, je répondais : « deux licences cascadeur et une pompier »… Et puis, finalement je l’ai annoncé à mon père en disant que j’allais tout payer et mon père m’a dit « mais non, vas-y ». Pour mes parents ça a toujours été un doute jusqu’au moment où c’est devenu concret. Je suis sorti de l’IAD le 30 juin 1985 et le 1er juillet j’avais un boulot. Alors que un de mes frères qui avait fait ingénieur agronome et l’autre qui avait fait des études en Journalisme et qui était ultra pointu dans son domaine avaient du mal à trouver du boulot…et moi le clown de la famille en trouvait un directement !
Après les études, vous créez la compagnie « Le théâtre loyal du trac » durant cette même période vous êtes recruté dans la ligue d’impro qui vient juste de se créer…
La ligue d’impro comme le disait très justement Bernard Cogniaux était une belle vitrine de la scène théâtrale belge. Il y a eu vraiment quelque chose de nouveau à savoir que les gens qui n’allaient pas spécialement au théâtre allaient le dimanche soir à la ligue d’impro. Et ces mêmes gens qui découvraient des acteurs finissaient par les suivre au théâtre. Et on a rempli des salles. Ça ne voulait pas dire qu’ils aimaient tout, mais ça voulait dire qu’on a eu une influence. J’ai appris beaucoup ! C’était une deuxième école et j’y ai créé des liens très forts. Je ne me mettais pas de barrières. Je faisais du théâtre pour enfants, pour adultes, j’ai fait de la pub, des animations… puis j’ai fait des choses gratuitement, car ça me paraissait évident de me servir de mon art pour rendre service. Je travaillais justement dans des homes et ça m’a servi… Aujourd’hui quand j’ai des étudiants plus difficiles, ça ne me pose aucun souci…ça ne m’écarte pas de l’essentiel. Je n’ai pas de jugement de valeur…
En 2012 vous postulez pour devenir Directeur des Riches-Claires…
Oui, j’ai postulé en 2012, mais j’ai commencé le 1er juin 2013. C’est toute une histoire. J’avais rencontré Jacques Viala qui est un ami avec qui j’avais souvent travaillé. Et un jour, il m’appelle pour m’annoncer qu’il va reprendre le théâtre des Riches-Claires en me disant : « On ne peut pas tout le temps critiquer les directions sans jamais essayer, ne serait-ce qu’une fois » et je suis devenu administrateur. Il a dirigé les Riches-Claires pendant 5 ans puis c’est Mélanie Lalieu qui a repris et quand elle a eu fini…on n’arrivait pas à se décider si on allait reprendre un directeur artistique comme Jacques Viala ou un directeur plutôt administratif comme Mélanie. Comme le conseil d’administration n’arrivait pas à choisir, j’ai fait la ligne directrice et j’ai trouvé quelqu’un qui est parti finalement à la Bellone. Puis, ça devenait embêtant, car il n’y avait toujours pas de décision. Et mes enfants, mes amis m’ont dit que si j’écrivais tout ça, je pouvais postuler…et j’ai tenté !
Ce rôle vous plait ?
Ça change la vie ! En théâtre, il y a beaucoup de libertés et tout autant d’incertitudes qui font naitre la créativité ! Et quand je suis arrivé ici, j’ai déplacé ces incertitudes. La prise de risques est dans la programmation des spectacles… mais j’ai envie que ça vive, que des choses se fassent. On véhicule souvent des idées fausses. Le théâtre va très bien. Il y a de plus en plus de spectateurs parce qu’il y a le théâtre pour enfants, parce que les séniors viennent au théâtre … Le théâtre va bien. Les cinémas ne vont pas bien. Les gens regardent la télé, achètent des DVD. Les cinémas de quartier vont mal, mais les théâtres de quartier vivent bien. Je ne dis pas que nos salaires sont grandissimes, que l’on vit bien…mais les gens ont ce besoin…un besoin de partager. On va vers un théâtre d’émergence où on donne la chance à des spectacles qui n’ont pas encore de réputation.
Tous les soirs au théâtre des Riches-Claires vous jouez « L’histoire des ours pandas racontée par un saxophoniste qui a une petite amie à Francfort« …
C’est difficile de parler de la pièce sans la dévoiler…c’est un peu comme l’écume des jours…l’auteur se sert de l’absurde de notre quotidien pour mettre en valeur nos passions, nos envies de vivre…le spectacle parle de cette envie de vivre un amour absolu, peu importe la durée, mais qu’au moins une fois dans sa vie, on puisse partager un amour total avec quelqu’un…parce que ça doit arriver. Il faut que ça arrive au moins une fois dans sa vie…
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