Henri Seroka:
« Chacun de nous a sa propre Odyssée »
Henri Seroka nous ouvre la porte de sa belle maison située à Saint-Gilles avec un grand sourire. Il peut sourire, car peu d’artistes ont un parcours aussi impressionnant que lui. 52 ans de carrière, deux disques d’or, des tournées internationales… Henri Seroka est chanteur et compositeur. On lui doit l’hymne officiel belge pour les Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, Avanti la vie, chanson présentée par la Belgique au Concours Eurovision de la chanson 1984. Il a aussi composé des musiques de dessins animés (Les Schtroumpfs, Le Marsupilami, Spirou ou Gaston Lagaffe) ainsi que des chansons pour des interprètes connus de la scène française ou internationale.
C’était avant que le covid nous frappe que nous avons rencontré Henri Seroka pour réaliser cette interview.
Vous êtes né un 9 mai 1949 à Anderlecht. Votre père était polonais et votre mère allemande. Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ?
Avec le temps, les souvenirs s’effacent… Pas toujours de bons souvenirs, en toute honnêteté. Je parlais allemand à la maison. Comme nous étions après-guerre, on me crachait régulièrement dessus à cause de ça. Les enfants sont impitoyables. Ce qui est assez paradoxal dans l’histoire, c’est que mon père avait libéré la Belgique puisqu’il faisait partie de la division du général Stanislaw Maczek. Je suis justement en train de produire un film sur sa vie…
Et comment vos parents se sont rencontrés ?
Mon père est allé acheter un poulet dans une ferme en Allemagne à la fin de la guerre. Il a rencontré ma mère. Ce fut le coup de foudre et ils ont décidé de s’installer en Belgique.
Comment cette passion pour la musique arrive-t-elle dans votre vie ?
Depuis bébé, ma mère racontait que déjà dans mon parc quand elle diffusait du Beethoven, je dirigeais. Je connaissais toutes les notes par coeur. J’ai commencé très jeune à gratter la guitare, à chanter. J’ai écrit ma première chanson en 1966 et à 18 ans j’ai fait mon premier disque. Contre l’avis de mes parents qui voulaient que je devienne docteur ou avocat… Vous savez c’était l’époque où il fallait des diplômes. À l’époque, il fallait l’autorisation de ses parents pour enregistrer un disque. C’est un frère de Manitas de Plata, un célèbre guitariste mondialement connu, qui était à Bruxelles et je l’ai rencontré. Il m’a appris énormément de choses. Puis, j’ai chanté un peu de tout… Et puis après, j’ai fait chanter les autres (rire) !
1984 est une belle année pour vous: vous composez l’hymne pour les jeux Olympiques de Los Angeles, Avanti la vie, chanson présentée par la Belgique au Concours Eurovision de la chanson 1984, vous remportez deux disques d’or…
Et c’était également la naissance de mon fils ! Oui, je n’ai vraiment pas à me plaindre ! Ce fut ma meilleure année ! Ces deux disques d’Or sans parler de la musique des schtroumpfs qui ont cartonné partout dans le monde et qui s’est vendu à des milliers de disques.
Et comment on vous a proposé de composer la musique des schtroumpfs ?
Je faisais à l’époque beaucoup de musiques pour des publicités et je devais réaliser un 30 secondes pour promouvoir « Scrameustache » qui était une série de bande dessinée. Et l’agence qui s’occupait de Scrameustache, mais également de Gaston Lagaffe, Spirou… m’a contacté, car ils avaient bien aimé la musique de la publicité. C’était une expérience extraordinaire, car j’allais dans des genres complètement différents. Cette expérience m’a beaucoup aidé dès que je me suis spécialisé dans la composition de musique de film dans les années 70. Et puis après comme je vous le disais, j’ai fait chanter les autres Isabelle Aubret, Dorothée, Philippe Laumont, Lulu, Ivan Rebroff, Reggie (Last night a D.J. saved my life) avec qui j’ai fait des duos également … Puis, les musiques de film m’ont ouvert sur d’autres pays et spécialement la Pologne où j’ai donné mon premier oratorio mondial en 2004.
Après avoir dirigé Credo plus de 21 fois à travers l’Europe, vous composez Odyssea…
Oui, c’est mon nouveau bébé. J’ai réalisé la première mondiale, il y a deux ans en Pologne. L’Odyssea est né suite à une demande de la télévision polonaise. Ils avaient adoré mon Credo, mais ils voulaient que je fasse quelque chose de différent et de « meilleur encore » (rire). Dominique Corbiau était mon contre-ténor dans Crédo et donc j’ai travaillé avec lui pour l’Odyssée. Nous avons construit ensemble l’histoire… Aujourd’hui, je peux dire que chacun de nous a sa propre Odyssée (rire) !
Vous êtes souvent en Pologne pour votre travail, était-ce une volonté par rapport à vos origines ?
C’est une bonne question. Ce fut une question très importante à l’époque. En 1969, je vis à Paris. Mon directeur d’orchestre est Saint-Preux. Je chantais encore. Je faisais toutes les émissions de télévision à l’époque avec Jacques Martin, Midi magasine … Je passe une audition au théâtre de la porte Saint-Martin à Paris pour le spectacle « Hair » malheureusement c’est Julien Clerc qui a le premier rôle (rire) ! Et moi, on m’offre un petit rôle. Au même moment, on me propose de partir en Pologne pour le Festival International de Sopot qui est, si vous voulez, l’Eurovision de l’Est. C’est toujours un festival très important. je décide de décliner la comédie musicale et de partir. J’y ai gagné un prix : ce qui m’a permis de me faire connaître dans cette région du monde et de vendre des centaines de milliers d’albums. Du jour au lendemain, j’ai été propulsé vedette en Pologne. C’est un pays qui m’a porté chance. Comme quoi dans la vie, il faut toujours suivre son intuition.
Aujourd’hui, il y a les documentaires dans lesquels vous vous investissez beaucoup…
C’est vraiment ces dernières années… Ma première coproduction où j’étais coproducteur et compositeur, c’était pour le « Consul de Bordeaux » qui était un long métrage. Ca m’a donné l’envie et l’idée par la suite de réaliser mes propres documentaires. Suite à la mort de ma compagne, j’ai acheté une maison au Canada. J’ai été tellement surpris par la beauté du pays que ça m’a incité à traverser le pays avec un caméraman et un ingénieur son… C’était une expérience folle, car j’étais coproducteur, compositeur, chauffeur (rire), … Et il en est sorti : « Le cri du masque ». Il y a un autre documentaire que j’avais tourné en Arizona : « Des arts pour les Dieux » qui relate de la danse des Kachinas. Et dernièrement, « La trace des Vikings » que j’ai réalisé avec Philippe Sorel qui réalise énormément de grandes conférences sur les Vikings et sur Rome…
J’ai l’impression que vous ne vous arrêtez jamais…
On s’arrête quand on est mort, n’est-ce pas ! Non, mais depuis que ma compagne est décédée, être occupé est un besoin. Depuis lors, je me suis plongé dans le travail. Et ça aide…
Qu’est-ce qui vous inspire ?
En matière de cinéma, c’est assez simple. On me donne un scénario et je m’en inspire pour composer la musique. J’ai composé pour un film polonais un Ave Maria. Le film racontait l’histoire d’un curé qui voulait son Ave Maria. Aujourd’hui, ce film est devenu un incontournable chez eux et les gens se marient sur ma musique… Pourtant quand ils sont venus me demander ça, le challenge était grand ! Donc tout est possible ! La musique est tellement large ! Les possibilités sont tellement importantes.
Un rêve un peu fou que vous voudriez réaliser et que vous n’avez pas encore eu l’opportunité de faire ?
Il y a toujours un rêve un peu fou qu’on n’a pas encore réalisé (rire) ! Quand je vivais à Los Angeles, c’était entre 1979 et 1983, on m’a donné un scénario pour jouer un copilote dans « Le concorde » et je rencontre Ned Tanen le directeur d’Universal Pictures. Malheureusement pour moi, ils ont choisi Alain Delon… mais je n’étais pas loin de l’avoir eu… Voilà, ça c’est un rêve qui ne s’est pas réalisé et que j’aurais bien aimé. Sinon énormément de mes rêves se sont réalisés : j’ai été chanteur, j’ai voulu être chef d’orchestre je le suis devenu… et ça, ce fut incroyable !
Plus d’info ?
Site Internet : Henri Seroka
www.henriseroka.com