Itsik Elbaz :
un comédien engagé !

Itsik_elbaz

On rencontre Itsik Elbaz à la sortie des répétitions de « L’homme qui mangea le monde » qui se jouera au Théâtre de Poche. Il s’excuse, il est un peu fatigué.
Pas étonnant, Itsik Elbaz est sur tous les fronts. Il enchaîne les répétitions, gère l’association « Deux euros cinquante » dont il assume la promotion avec Bouli Lanners de la grande soirée organisée ce vendredi pour les un an. Rencontrer Itsik Elbaz, c’est rencontrer un comédien talentueux, un citoyen engagé et un homme qui cherche des solutions aux problèmes du monde. 

Vous êtes né en Israël, mais vous n’y avez pas vécu longtemps puisque vous vous êtes installé à Paris où vous y avez vécu jusque l’adolescence… Que retenez-vous de cette période-là ? 

Itsik_elbazL’enfance…C’était la formation de l’imaginaire, des amitiés extrêmement fortes qui sont encore et toujours là … C’était une belle période, j’ai eu une très belle enfance ! Puis nous avons suivi mon père qui devait s’installer à Bruxelles pour son travail. C’était il y a 25 ans, Bruxelles a fort changé depuis…Ce n’est plus la même ville ! D’abord, la ville n’était pas chère, tout était possible et disponible. Aujourd’hui, la ville s’est embourgeoisée dans le sens financier. Elle ne s’est pas améliorée par les travaux entre autre… Je trouve la ville balafrée par rapport à mon souvenir d’il y a 25 ans ! 

Le théâtre n’était pas une passion et vous dites le trouver tard, à l’âge de 17-18 ans, grâce à l’école qui vous fait jouer votre premier rôle…

C’était une pièce qui s’appelait : « Je veux voir Mioussov » d’un auteur russe Valentin Kataïev. C’était un vaudeville assez politique, finalement. L’histoire d’une personne qui rentre dans les rouages de l’administration pour voir quelqu’un, mais toutes les procédures qu’il faut faire l’en empêche ! En jouant dans cette pièce, j’avais l’impression peut-être pour la première fois de ma vie, de prendre place quelque part. Et très rapidement, il y a eu une envie de prolonger l’aventure qui a été stoppée nette puisque j’ai raté les examens d’entrée à l’IAD. 

D’ailleurs, vous dites que c’était une bonne chose de commencer votre carrière par un échec…

Itsik_elbazOui c’était une très bonne leçon. On sait que c’est un métier complètement irrégulier. Être confronté très jeune à ma réelle volonté de continuer, mes réelles possibilités et ce que j’étais, moi, capable de mettre en place à 19-20 ans comme masse de travail pour avancer. On pense souvent que le métier d’acteur est simplement de se présenter et de dire son texte…ça demande un investissement physique, émotionnel, mental très fort ! Il faut une force mentale assez exceptionnelle. Quand on voit un acteur qui a 20 ans de métier, on sous-estime la force mentale qu’ils ont pour eux-mêmes et pour exister. C’est un métier où si on disparait, ça n’a littéralement aucune importance. Le monde continuera d’avancer sans nous… Peut-être que quelqu’un dira : « Tiens, je me souviens d’Itsik Elbaz dans Caligula. » mais c’est terminé, l’événement est fini ! On participe au présent de la ville, au présent de la cité…le reste n’a pas beaucoup d’importance. Quand on réalise ça, il faut donc vraiment vouloir être là. 

Qu’est-ce qui est génial dans ce métier justement et qu’est-ce qui est plus compliqué ?

Itsik_elbazEn ce qui me concerne, il s’agit toujours de trouver un sens à l’action qu’on est en train de mener. Apporter quelque chose à la cité par le débat, par le divertissement …tout ce qu’on place sur le mot « art » ou « représentation théâtrale » ou peu importe, que j’en fasse ou pas. Pour moi, ce qui a été merveilleux ce sont les rencontres que j’ai faites dans ce métier. Très jeune, je me disais que j’allais rencontrer des gens horribles, prêts à tout, compétitifs … alors oui, il y a de a compétition et de la médiocrité parfois…comme partout. Mais je dois quand même bien dire que quand mes amis ont une bonne nouvelle, nous sommes vraiment heureux pour eux ! Le théâtre de par les textes qu’il met en avant invite à réfléchir, impose la réflexion ou donne une morale. Et c’est très délicat de donner une morale quand le monde théâtral n’est pas lui-même exempt de gros défauts ! Par exemple, sur la position ou la représentativité des minorités, ce qu’on appelle les minorités ou des femmes…Je trouve que le secteur culturel devrait être un exemple absolu et être à la pointe du combat. C’est une forme de logique qui est délicate à mettre en place et ça soulève des questions qui sont complexes. Le théâtre est amené à se féminiser et il résiste très fort ! Il y a de plus en plus de femmes qui en font, qui ont envie d’en faire et qui ont des choses à dire…pas en tant que femmes mais en tant que personnes…et malgré tout elles sont très peu représentées aux postes à haute responsabilité. 

Aujourd’hui vous répétez pour le spectacle « L’homme qui mangea le monde » mis en scène par Georges Lini avec qui vous travaillez très régulièrement. C’est important pour vous les relations fortes dans le temps au travers du travail et des projets ? 

Itsik_elbazFaire des partenariats avec des gens qu’on apprécie, c’est le plus important pour moi ! On se retrouve fréquemment, on avance ensemble, on grandit ensemble, on mature ensemble et on aiguise ensemble…et très vite avec des personnes comme Georges Lini, Jasmina Doueb, Elvire Brison qui a arrêté sa carrière…Ce sont des gens avec lesquels je n’ai parfois même plus besoin de parler, car nous avons compris ce qu’on recherchait ensemble. Bien évidemment, on se remet à jour, parfois. Il y a des aventures humaines plus marquantes que d’autres et cette fidélité je la trouve hyper importante. Une fidélité tout en ouvrant à d’autres personnes, bien évidemment. On ne va pas rester fermé. Ce n’est pas de l’entre-soi ! Mais ce sont des partenariats humains qui sont super beaux. Pour « L’homme qui mangea le monde », c’est un projet très particulier, car Georges Lini interprète le rôle principal, chose très rare… Donc il a décidé qu’on se conseillerait l’un et l’autre pour la mise en scène… On se conseille, on se porte l’un et l’autre. C’est quelque chose que nous n’avons jamais expérimenté. C’est tout nouveau pour tout le monde. Quand je choisis un projet, je regarde non seulement les personnes qui s’y trouvent, mais je regarde aussi si il y a un lien avec le monde. Si ça n’a pas de lien avec le monde, ça n’a pas de résonance avec le monde dans lequel on vit.  Et si ça n’a pas de lien avec le monde dans lequel je vis moi, je regarde pour qui ça a du lien. C’est un acte citoyen. Je n’envisage pas le théâtre autrement. 

Il y a quelques années, vous rêviez de donner des cours à l’IAD. Aujourd’hui, quel est ou quel serait un projet un peu fou que vous voudriez réaliser ? 

Itsik_elbazCe n’est pas une pirouette ce que je vais dire, mais le projet un peu fou…après je ne sais pas si je pourrais un jour avoir une influence là-dessus…mais je voudrais vraiment un grand projet culturel pour la Communauté Française. Le projet actuel est déficient à des tonnes d’endroits. Il n’y a pas de visions à long terme. Le ministère de la Culture en Belgique est un ministère de la rustine ou du saupoudrage. Quand on voit Georges Lini qui est un metteur en scène, reconnu, qui travaille, qui porte un bon nombre de projets et qui n’a toujours pas de possibilité ni de liberté financière.  Georges Lini ne peut pas faire un spectacle de façon autonome. Après 20 ans dans le métier, après autant de spectacles qui se sont fait remarquer, après l’existence du ZUT, de nombreux prix comme celui de la critique, etc..et de ne toujours pas avoir la liberté de faire ce genre de chose, c’est regrettable. Donc je voudrais avoir un Ministère de la Culture qui montrerait autant d’ambition que les artistes qui la constituent. On a beau dire qu’il n’y a pas d’argent, ce n’est pas vrai ! La Belgique se porte bien, il s’agit juste de choix faits autour de l’argent. Les choix ne vont pas à la culture, à la santé, à l’éducation, à la rencontre…l’argent ne va pas en gros au non marchand. C’est un choix politique ! 

Vous avez créé il y a quelque temps, l’association « Deux euros cinquante« , pourquoi et comment est-elle née ? 

deux euros cinquanteOui je l’ai fondée, il y a un an. C’est notre anniversaire là ! Elle est née un peu par hasard. J’ai répondu à un appel sur Facebook avec Marie-Aurore d’Awans qui en est la cofondatrice, comédienne aussi. Le post disait qu’il fallait 500 repas au Parc Maximilien, car aucun repas n’était prévu ce soir-là. C’était un dimanche et je me suis dit que je pouvais y aller. Donc j’ai réalisé ce paquet de repas, j’en ai fait une quinzaine. La conjonction de cet appel a amené 450 repas. 50 personnes sont donc reparties dormir le ventre vide sans couverture, sans rien dans le parc. Et ça m’a vraiment énervé. En discutant avec Marie-Aurore d’Awans, on s’est dit que la prochaine fois, il fallait le faire ensemble plutôt que chacun dans son coin. Puis on s’est dit « tiens, on connait machin qui voudrait bien faire ça et truc aussi » et par simplicité on a créé un groupe Facebook. On n’a même pas réfléchi au nom, deux euros cinquante c’est ce que coute un vrai repas. 3 jours plus tard, nous avions 1800 membres. Un an plus tard, nous en avons près de 15.000 ! Nous avons 10 000 euros de rentrée mensuelle et bien entendu 10 000 euros de sortie. Personne n’est payé, nous sommes tous bénévoles. On fait plein de choses… On emmène environ 650 repas par semaine, ce qui n’est pas beaucoup. Il y a environ 650-700 personnes. Ce qui fait un jour, un repas. On rembourse également les frais de nourriture des personnes qui accueillent des réfugiés.  On va organiser également vendredi 14 septembre à la Tricoterie, une après-midi pour les familles avec des artistes et puis elle laissera place à une soirée avec des différents groupes de musique et des DJ’s. Tous les dons seront reversés à l’association, tous les artistes sont bénévoles. Bouli Lanners a, sans hésiter, accepté d’être le parrain de la soirée. C’est un homme au grand coeur et c’est une chance de l’avoir pour cette soirée. Il sera présent d’ailleurs… 

Plus d’info ? 

Le groupe Facebook de l’association « Deux euros cinquante« 

Info sur la journée / soirée à la Tricoterie ce vendredi 14 septembre 

Prochain spectacle : « L’homme qui mangea le monde » mis en scène Georges Lini