Karin Clercq:
« Tant qu’on a envie, on ne meurt jamais »
Karin Clercq est ce qu’on j’appelle une artiste au sens large : tour à tour chanteuse, compositrice, autrice, comédienne, elle a créé le podcast « Les Lionnes » … Au travers de ses créations, on ressent toujours un côté tendu, orageux et un côté très lumineux et très aérien. Elle aime osciller entre fragilité et puissance, entre quelque chose de lourd et quelque chose de léger. La musique est pour elle un vecteur d’expression différent, intense et intime dont les mots doux, amers nous touchent en plein coeur.
Vous avez eu un été chargé puisque 2 nouveaux singles de l’album live des 20 ans, sont sortis.
C’est album live va sortir au mois de novembre, nous l’avons enregistré l’année dernière pour fêter mes 20 ans de carrière. On a réarrangé 20 titres avec un quatuor à cordes. C’était un moment assez fort dans ma vie de pouvoir jeter un regard sur le passé, de comment aujourd’hui je pourrais chanter ses chansons d’il y a 20 ans. De cette femme qui est devenue chanteuse un peu par accident. Je pense qu’avec la naissance de mes enfants, c’était un des événements les plus forts de ma vie. De voir aussi l’amour de ce public qui me suit depuis 20 ans dans un milieu où ce n’est pas toujours si facile de vieillir…et de tenir sur du long terme….
Vous êtes une artiste au sens large, vous touchez à plusieurs arts, est-ce que pour les gens qui aiment mettre les autres dans des petites cases est-ce que cela pose problème ?
Oui souvent ! J’aime sortir des cases… Quand j’étais jeune, j’avais un physique assez classique : grande, blonde,… très vite casable dans une case… J’ai toujours voulu en sortir et montrer qu’il y avait autre chose à travers un engagement, un partage d’autres artistes féminines, à partir de créations multiples. Et c’est vrai qu’à un moment de ma vie, j’ai ressenti le besoin de faire une pause de moi-même, j’ai arrêté de sortir des albums à mon nom, je suis devenue brune, un peu punk, explosive… j’ai créé un nouveau personnage et les gens ne comprenaient pas… Je sortais une nouvelle fois de ma case… et en fait, c’est ça que j’aime : sortir des cases.
Nous sommes fin septembre, comment s’est passée votre rentrée et de quoi sera composée votre saison ?
L’année s’est bien terminée, j’ai eu la chance d’être au NAOW Festival qui est un nouveau festival qui se déroule sur la Meuse à Namur avec le comédien Nicolas Buysse. Il m’a invité à venir faire de la poésie sur l’eau, sur une scène flottante. C’était de la poésie et chant. C’était incroyable car les gens étaient au casque et nous avions des micros donc nous chuchotions, ce n’était pas du tout déclamé. C’était une forme
d’intimité avec eux… Evidemment le premier soir, il a plu 30 minutes avant que j’arrive sur scène (rire!). C’était complètement irréaliste. Je chantais avec les éléments en essayant de ne pas tomber dans l’eau (rire) ! On remet ça l’année prochaine !
Dans les projets à venir, il y a la sortie de l’album Live de mes 20 ans de scène. Il y aussi un projet sur les frères Jacques au mois de décembre à la ferme du Biéreau. Le metteur en scène a décidé de prendre 3 hommes et une fille pour faire les 4 frères Jacques. Après je vais continuer avec un autre projet de poésie que j’ai co-créé avec Grazyna Bienkowski qui est une pianiste-compositrice. C’est un projet qui tourne depuis 2 ans et qui s’appelle : « J’ai oublié d’être un homme » qui met en avant les poétesses du 19-20-21ème siècle sur des thématiques universelles. Ce n’est pas un projet féministe au sens dur du thème mais plutôt un projet pour donner des modèles et de parler de thématiques qui touchent autant les hommes que les femmes mais d’un point de vue féminin… C’est vraiment un très beau projet. C’est chanté, parlé… sur des compositions originales de Grazyna Bienkowski. Puis je suis en train de créer un spectacle atours des années 20 et de Marlène Dietrich.
Comme à Brussels Is Her et Brussels Is Yours, on s’intéresse au parcours de nos invités. Je vais prendre ma machine à remonter le temps…
Vous êtes née le 3 mars 1972 à Bruxelles, vous êtes une pure bruxelloise !
Oui tout à fait (rire) ! Même si j’ai quitté Bruxelles pendant 20 ans… Mais oui, je suis née à Ixelles… Mon père était architecte et il a participé à la construction de Louvain La Neuve donc à l’âge de 3 ans, nous sommes partis là-bas. Je fais partie des enfants pionniers de Louvain-La-Neuve qui ont eu une enfance canon car cette ville en construction était une plaine de jeux géante. Mes parents avaient à peu près l’âge des étudiants donc ce n’était que des grandes fêtes souvent improvisées autour d’un feu. Ce n’est plus le LLN d’aujourd’hui. On ne fermait jamais les portes à clefs, on était toujours les uns chez les autres, nos parents ne savaient jamais où on était. C’était une enfance très libre où tout était un peu en construction, où tout était possible… Je pense que ça a vraiment forgé mon caractère…
Petite, vous rêviez de devenir actrice, comédienne…
J’ai jamais imaginé être chanteuse, c’est ça qui est bizarre… J’ai toujours aimé écrire. J’étais en Français 6h, option qui n’existe plus mais on avait des ateliers d’écriture… Puis c’était le théâtre ! depuis mes 6-7 ans, je voulais devenir comédienne. Après mes humanités, j’ai fait histoire de l’art car mes parents voulaient que j’ai un diplôme. Puis après, j’ai fait le Conservatoire à Liège. Je voulais vraiment jouer. Quand j’étais petite j’étais fascinée par les actrices hollywoodiennes. Maintenant que j’y repense, je me souviens qu’un de mes professeurs, en humanités artistiques, m’avait dit : « Ce ne sera pas facile car tu vas être coincée par ton image ». J’avais 17 ans et je n’avais pas compris sur le moment… et puis j’ai réalisé. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi le Conservatoire de Liège car on travaillait sur des contre-emplois, des rôles différents, pas spécialement liés au physique… Finalement, c’est la musique qui m’a permis d’aller dans des zones plus orageuses. La musique m’a finalement apporté une forme de liberté que je pense comme comédienne j’aurais moins trouvé mais que je peux trouver aujourd’hui car je suis plus âgée.
Comment vous le viviez à l’époque d’être cantonnée dans certains rôles, d’être « prisonnière » d’une image que les gens ont de vous ?
Bah ça m’énervait même s’il y a des choses plus graves. Mais par rapport à mon petit égo, oui ça m’énervait. Il y a toujours cette notion : « belle, blonde, bête à manger du foin » et je n’ai jamais été comme ça. Et c’est vrai que c’est pénible quand on est une femme, que les retours qu’on a, sont toujours liés à une forme d’esthétique : « La douce Karin Clercq… la belle Karin Clercq »… J’ai des choses à dire et à partager, je ne suis pas que douce et jolie. Bien entendu, je n’ai pas envie qu’on dise : « La vieille moche Karin Clercq » (Rire) mais parfois ça mériterait de se creuser un peu la tête par rapport aux artistes féminines parce que nous ne sommes pas que ça.
Retrouvez l’intégralité et la suite de l’entretien sur https://brusselsisher.com
Dans l’épisode on parle également de : comment la musique arrive dans sa vie, son premier album femme X, ses premiers concerts, comment prendre la parole en concert, l’univers et le silence sur scène, son regard sur l’évolution des thématiques de ses albums , la mythologie, son rapport à Bruxelles et à la Belgique, de la scène féminine, de son podcast Les Lionnes, …
Qu’avez-vous envie de dire à la Karin Clercq d’il y a 20 ans ?
N’aies pas peur. Je crois que j’avais plus peur quand j’étais plus jeune. J’avais beaucoup le syndrome de l’imposteur. Quand je lis les premières interviews que j’ai faites sous la couche hyper enthousiaste et spontanée que j’ai toujours eue, il y a quelqu’un qui s’excuse tout le temps. Parce que j’étais comédienne et pas chanteuse…en fait, je ne savais pas vraiment qui j’étais donc j’ai l’impression de me justifier tout le temps. Aujourd’hui, ça va mieux… j’ai moins peur et c’est en ça que vieillir c’est bien. Je me connais beaucoup mieux. Oui, je lui dirais : « N’aies pas peur »…
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Photo illustrant l’article : @Brusselsisyours
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