Que penser de la deuxième saison de la série « Dark »?
« Dark » est l’une des rares séries allemandes à rencontrer le succès à l’international. L’arrivée sur Netflix de la saison 2 est un des événements de l’année. Et incontestablement, cela reste un plaisir de se replonger dans cette histoire de voyages dans le temps et d’enfants disparus autour d’une mystérieuse grotte.
En évitant tout spoiler, nous allons tenter de vous donner envie de découvrir cette histoire extraordinaire où hier, aujourd’hui et demain ne se succèdent pas, mais sont connectés dans un cycle sans fin.
Malgré une toile narrative de plus en plus complexe, la saison 2 de “Dark” relève le défi, entre deux paradoxes temporels, à faire naître des émotions profondes.
Résumé :
2019, Winden, une petite ville allemande, une petite ville fictive d’ex-Allemagne de l’Ouest, construite à l’ombre d’une centrale nucléaire en fin de vie. Quatre familles affolées par la disparition d’un enfant cherchent des réponses et tombent sur un mystère impliquant trois générations qui ne finira de les déstabiliser.
Avis :
Première production locale de Netflix, « Dark » s’est révélé être un coup d’essai, un coup de maître, jusqu’à devenir un vrai phénomène mondial, dont seulement 10 % des téléspectateurs, selon la plateforme de streaming, résident effectivement en Allemagne. Comment expliquer pareil engouement? D’abord par un récit tentaculaire, mystérieux et intense. Ensuite par une réalisation intelligente ultra léchée et un casting au top.
Autant vous prévenir tout de suite, cette série va vous prendre sévèrement la tête. On ne va pas spoiler, en disant qu’il s’agit d’une histoire ou plutôt d’histoires de voyages dans le temps. Le premier épisode de la saison 1 s’ouvre d’ailleurs sur cette citation d’Albert Einstein : « La distinction entre le passé, le présent, le futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle ».
Quelques secondes plus tard, une voix off en remet une couche : « Hier, aujourd’hui et demain ne se succèdent pas, ils sont connectés. »
Nous sommes donc prévenus : le temps sera un des personnages principaux.
Les deux saisons sont furieusement addictives. Elles suivent un savant travail d’horlogerie narrative, chaque épisode apportant de nouveaux engrenages, roues et ressorts.
Plus la série avance, plus l’alternance entre passé et présent va s’accélérer et le schéma chronologique de la série se compliquer. Les temporalités vont se superposer, s’entremêler et influer les unes sur les autres. Le passé va influencer le futur (ce qui est parfaitement normal), mais le futur va aussi influencer le passé (ce qui nous paraît beaucoup moins logique).
Chaque fois qu’un aspect de l’énigme est traité, il entraîne un nouveau lot de questions, ce qui fait que le spectateur a l’impression de progresser dans l’histoire sans jamais en deviner le fin mot.
De plus, les allers-retours entre 1986 et 2019 permettent de donner de la profondeur aux personnages. On comprend mieux les liens qui les unissent, les conflits, les jalousies…
Au fil des épisodes, c’est toute une communauté qui se dessine, avec des rapports complexes entre ses habitants. Winden apparaît de plus en plus comme une petite ville coupée du reste du monde. Elle est ancrée au fond de sa forêt comme elle est enfermée dans son système de boucles temporelles. Et au fil des épisodes, la tension monte inexorablement alors que les spectateurs ressentent que la ville couve quelque chose de pourri.
La peur du nucléaire s’invite comme un des thèmes majeurs de la série, et la centrale est au cœur du mystère. « Dark » parvient à faire une comparaison entre l’empoisonnement nucléaire et la dégradation morale de la ville.
Shakespeare se mêle à Nietzsche et Einstein, les trous de vers rejoignent l’Antéchrist, le nucléaire et un brin d’ésotérisme.
Et, finalement, est-il possible d’empêcher le futur d’avoir lieu ? Peut-on mener une guerre contre le temps? C’est là toute la question de la liberté humaine ou de la fatalité.
L’enquête commencée en 1953 se poursuit en 1986, et même une action débutée en 1920 se termine un siècle plus tard. Le passage d’une époque à l’autre se fait quasiment sans transition (mais sans jamais perdre les spectateurs, grâce à un jeu très habile sur les décors, costumes et personnages) et à un rythme accéléré. Cela crée un tempo très rapide : on ne s’ennuie pas une seconde. Le mystère est toujours présent. Les questions restent nombreuses, et l’émotion est aussi très présente.
Pour couronner le tout, la réalisation somptueuse s’inspire de l’univers déroutant et émouvant du célèbre photographe Gregory Crewdson.
Netflix et les créateurs de la série ont annoncé qu’il n’y aura pas de saison 4, pour éviter de tomber dans le syndrome « Lost », auquel on pense inévitablement, après le furieux twist final de la deuxième saison. La saison 3 est actuellement en tournage. Rendez-vous donc en 2020, sachant que maintenant « la question ce n’est plus quand, mais comment ? ». Si ce dernier volet y répond et rend l’ensemble « limpide », alors la trilogie « Dark » risque d’entrer dans l’histoire du genre.