Watchmen:
la série audacieuse!

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En choisissant de créer une série autour de « Watchmen », on peut dire que Damon Lindelof a joué la carte de l’audace et était attendu au tournant. En effet, toucher au chef d’œuvre de l’immense Alan Moore pouvait s’avérer un projet extrêmement périlleux tant le comics est adulé (à juste titre) par les fans. Alors? Pari gagné ou pas? BIY vous donne son avis.

À l’origine, « Watchmen » est un comics d’Alan Moore et Dave Gibbons, classique intemporel, œuvre phare et fondatrice du 9e art pour qui on inventera même le qualificatif de « Graphic Novel. » En 2009, après plus de 10 ans de projets d’adaptations avortés, Zack Snyder surprend tout le monde avec une version cinématographique assez fidèle du comics (bien qu’expurgée de certains éléments tortueux et beaucoup moins complexe que le script du génial Alan Moore).

Aujourd’hui c’est au tour de Damon Lindelof de s’inspirer de l’univers de « Watchmen » pour une série HBO. Mais lui choisit de développer une trame originale située plusieurs années après les événements de la fin de la bande dessinée. Le final apocalyptique du comics se terminait en 1987 tandis que l’histoire de la série se situe en 2019.

À la base, ça raconte quoi la bd « Watchmen »?

Premier roman graphique à remporter le Prix Hugo (1988), « Watchmen » met en scène des super-héros originaux. L’histoire repose sur une uchronie introduite par le Dr Manhattan, un être presque omniscient et omnipotent, issu d’un accident nucléaire en 1960. Alors que les autres justiciers masqués de la série sont des hommes ordinaires souvent dépassés par leur propre statut et dont la légitimité est fortement remise en cause, le Dr Manhattan représente l’arme absolue et permet aux États-Unis de remporter la guerre du Vietnam, permettant à Richard Nixon d’être réélu depuis 1968 jusqu’en 1985, quand commence le récit. Alors que la Guerre Froide atteint son paroxysme et que l’ombre d’une guerre nucléaire menace, le Comédien,  un ancien super-héros, est mystérieusement assassiné. Dernier justicier encore actif, Rorschach décide de mener l’enquête.

Ça, c’est pour le comics. Et la série?

watchmenLa série, elle, débute donc 30 ans plus tard. L’émergence d’un nouveau KKK basé sur la figure de l’ancien super-héros Rorschach ravive les tensions raciales endormies jusqu’ici dans tout le pays, notamment en Oklahoma où l’émeute raciste de Tulsa (1921) est le point de départ narratif de la saison, que ce soit dans le traumatisme vécu par un jeune garçon ou le poids du souvenir qui pèse sur leurs successeurs, dans un milieu hypocrite et cynique où rien ne semble avoir changé. Au cours de la terrible « Nuit Blanche », les suprémacistes blancs, prénommés la 7e Cavalerie ont abattu des dizaines de policiers et leurs familles. Depuis, les forces de l’ordre n’osent plus montrer leurs visages. Les flics travaillent désormais derrière des masques divers et variés. Sous l’impulsion du Chef Judd et de la combattante du crime Sister Night, ils vont se lancer dans une vaste traque pour arrêter ces terroristes qui se cachent sous des masques de Rorschach…

Impossible d’en dire plus sans déflorer la riche intrigue à tiroirs proposée par Damon Lindelof qui après « Lost » et « The Leftovers », fait preuve une fois encore de sa maîtrise phénoménale de l’art de la narration. Autant l’avouer tout de go, « Watchmen » est un véritable bijou tant scénaristique que visuel!

La série est follement ambitieuse, multiplie les timelines, les genres, les perspectives, les structures narratives et elle n’en finit jamais de surprendre. Elle requiert néanmoins un peu de patience et une attention de tous les instants. Il faut accepter de se laisser un peu balader avant que les différentes pièces du puzzle gigantesque commencent à s’emboîter. Mais elle saura récompenser qui lui fait confiance tant cette oeuvre fourmille de scènes grandioses, de celles qui vous marquent pour longtemps. En ce sens, les épisodes 6 et 8 sont inoubliables et vous hanteront bien après leur vision!

watchmenCependant, mieux vaut être prévenu : ceux qui ne connaissent absolument rien à « Watchmen » et son univers risquent de lutter quelque peu pour rester accrochés aux moindres détails du récit. Car Lindelof a écrit une vraie suite, et sans avoir rien vu ou lu, il y a fort à parier que certains vont ramer pour réussir à tout intégrer. Alors un conseil : prenez deux heures pour voir ou revoir, au moins, le film de Zack Snyder. Ou mieux encore (re)lisez le Graphic novel de Alan Moore. Ça vous aidera à rentrer dans l’intrigue incroyablement riche et complexe de cette oeuvre massive.

La réalisation comme la narration est innovante et époustouflante. Les acteurs sont tous excellents. Mention spéciale à la magistrale Regina King (If Beale Street Could Talk), l’impériale Jean Smart (Legion) et le fabuleux Jeremy Irons qui trouve ici son meilleur rôle depuis Dead Ringers (Faux-semblants)

Comment ne pas être fasciné par cette histoire d’une Terre alternative où le Président des États-Unis s’appelle Robert Redford ? Où des poulpes pleuvent du ciel ? Où il existe des pilules de mémoire pour se rappeler son passé ? Mais un monde où la discrimination, le racisme, la corruption font aussi rage, depuis des siècles, comme sur « notre » Terre ?

Regardez « Watchmen ». Laissez-vous porter par cette série somptueuse. Vous ne regretterez pas le voyage, mais vous risquez d’être secoués!