An Pierlé:
« Le monde doit devenir plus doux »

An-Pierlé

Assise sur un gros ballon à son piano, An Pierlé a cette voix tour à tour grave et enjouée qui ne laisse personne indifférent. « Mud Stories », premier album devenu mythique a célébré ses 20 ans. Elle en a signé bien d’autres par la suite comme « Strange Days », « Helium Sunset » … An Pierlé a fait la BO du film « Le tout nouveau testament » avec Benoît Poelvoorde et surtout cette incroyable pièce de théâtre « Sylvia » sur la poétesse Sylvia Plath où tous les soirs, elle jouait sur scène…

La rencontrer fut un grand honneur. Nous avions rendez-vous dans les backstages de l’ Ancienne Belgique – AB . An Pierlé sort un nouvel album avec son Quartet « Wiga Wiga » et sera en concerts dans toutes la Belgique dès la rentrée! 

Vous êtes née à Deurne tout près d’Anvers, quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ?

An-PierléOooh… c’est un souvenir avec des émotions un peu mélangées. Je subissais pas mal de taquineries à l’école donc je ne m’y plaisais pas trop, mais mis à part ça, j’étais heureuse… Mon enfance fut belle et je faisais déjà tout ce que je pouvais dans le domaine de l’artistique comme du théâtre, du chant, du piano…

Comment cette passion pour la musique arrive-t-elle ?

Dès que j’ai pu parler, j’ai commencé à chanter (rire)… Je chante depuis toujours. Le piano, au tout début, je n’aimais pas trop… mais il fallait le faire…puis ce fut par nécessité que j’ai continué à en jouer. J’ai un rapport comme ça avec le piano… Il y a des moments où j’abandonne en me consacrant au chant et puis il me manque et je reviens vers lui… Je replonge comme si je le redécouvrais… J’aime aussi qu’il y ait cet espace de temps en temps… ça permet d’avoir une nouvelle approche.

Le théâtre a longtemps été dans votre vie…

An-PierléOui, mais il a fallu faire un choix entre la musique et le théâtre. On ne peut malheureusement pas tout faire. En tant qu’actrice quand tu chantes, tu n’es pas prise au sérieux. Il y a des actrices qui font de beaux albums, ce n’est pas la question… Mais en Flandre, ce n’est pas bien vu… En France, c’est différent… J’ai fait un choix, le choix de la musique… et c’est très bien… Quand tu choisis, tu peux aller en profondeur…

 

 

Vous participez au Humo’s Rockrally en 1996.  Vous êtes la grande gagnante.

Ah non, je n’ai pas gagné ! Il y a eu justement une grande polémique sur le sujet. Je me suis fait remarquer, mais je n’ai rien gagné et pas reçu d’argent (rire) ! Mais finalement, c’est beaucoup mieux qu’il y ait eu cette polémique (rire) ! Je me souviens qu’il y avait des gens qui adoraient ma musique et des autres qui la détestaient… C’est souvent comme ça… Ma musique est très personnelle donc je pense que c’est normal qu’elle ne plaise pas à tout le monde. Mais ceux qui l’aiment, l’aiment profondément…

3 ans plus tard, vous sortez votre premier album « Mud Stories » qui a 20 ans aujourd’hui. Quels souvenirs gardez-vous de ce premier album, de la création à l’enregistrement et de la tournée par la suite ?

An-PierléCe fut une grande bataille ! J’avais fait un concours avec une reprise d’une chanson Gary Newman que les radios passaient. J’avais également fait une petite tournée qui avait eu du succès. Je me suis dit : « Je prends 6 mois pour faire mon album et tout ira bien ». Sauf qu’on voyait en moi, une Tori Amos où une Kate Bush belge et les maisons de disques voulaient que je fasse un répertoire écrit par d’autres compositeurs. On me répétait commence comme ça et quand tu seras installée et connue, tu feras un album qui te ressemble. Il fallait apprendre des grands pour un jour faire ce que je désirais. J’étais jeune, j’avais peur de désobéir… Je suis partie à New York j’ai rencontré des compositeurs, des producteurs, mais rien ne résonnait avec ce que j’avais en moi. J’étais têtue (rire) ! Jusqu’au jour où Koen (Gisen) (partenaire dans la vie comme dans la musique), m’a dit cette phrase qui m’a libérée : « Tu as joué devant 7 000 personnes, si la moitié seulement achète ton album ce sera déjà suffisant pour poser ton style artistique dès le début».  J’ai fait un dossier pour leur dire : « Laissez-moi faire comme ça ou libérez-moi ». Ils ont fini par accepter en comprenant que c’était urgent pour moi de faire ce que je voulais. Ils se disaient que si je vendais 3 500 albums, ça couvrirait les frais et finalement j’en ai vendu 35 000 ! Ma musique était étrange par rapport à ce qu’on avait l’habitude d’écouter, mais elle fut diffusée à la radio et ça m’a lancée en tant qu’artiste au lieu de chanteuse.

Vous allez avoir une série de concerts avec votre Quartet… Que j’ai eu l’occasion d’écouter et de voir lors du magnifique spectacle « Sylvia » sur la poétesse Sylvia Plath au Théâtre National… Un spectacle grandiose où vous jouez tous les soirs en live avec les comédiens. Vous faites ainsi partie intégrante du spectacle… Comment ce projet est-il né ? Vous connaissiez les œuvres de Sylvia Plath ?

An-PierléQuelques poèmes, mais je me suis plongée dedans… Au début, la question était de mettre en musique les poèmes, mais nous n’avons pas eu le droit les utiliser. Et donc j’ai fini par composer la musique. Les œuvres de Sylvia Plath sont immenses, donc la pression était assez grande (rire) ! Quel plaisir en faisant ce spectacle ! 10 femmes sur scènes…et il n’y a jamais eu un mot plus haut que l’autre… L’essence du Quartet est d’avoir à la fois une structure pour jouer, mais aussi une grande liberté… On commence à jouer des chansons que j’ai écrites et puis on finit par les écrire ensemble en faisant des improvisations. Ce n’est pas comme une chanson qui est toujours la même… On part d’un même point de départ, mais l’arrivée est toujours différente. Je me réjouis vraiment de pouvoir jouer avec eux…

Lors des concerts, il y aura des adaptations de ces chansons et tout un nouvel album… très groove. Jouer avec des jeunes, c’est enivrant ! Ils jouent ensemble depuis leur enfance, ce sont vraiment des enfants prodiges. Ce qui est fou avec ce projet, c’est que je fais vraiment ce qui m’amuse et cela se ressent sur le résultat.

Est-ce difficile d’être une femme dans le milieu de la musique ?

An-PierléJ’ai dû me battre. Vous savez ça fait 25 ans que je suis dans le métier et je compte encore y rester longtemps (rire) ! 25 ans c’est rare pour une chanteuse ! J’ai dû me détacher de l’image de poupée que l’on voulait me coller. Je me suis battue, j’ai eu de la chance aussi… Il faut être armée… J’ai de la chance d’avoir mon compagnon Koen à mes côtés qui est parfois plus féministe que moi (rire) ! Oser demander de l’argent… Je serais bien curieuse de voir des graphiques de ce que l’on attribue aux femmes… Elles sont moins bien payées. Il faut connaître sa juste valeur. C’est un exercice important dans la vie. Il ne faut pas se vanter, mais il faut être juste.

Quels sont vos prochains projets ?

An-PierléJe vais réaliser la direction musicale du spectacle Alice au pays des merveilles, un opéra jeune public. Je vais composer, mais également accompagner les jeunes pour qu’ils réalisent leurs œuvres. Pour le reste… je vais essayer de rester proche de moi-même. J’ai eu un cancer du sein. Quand on a un cancer, c’est un rappel de la vie qu’il faut s’écouter plus. On ne réalise pas à quel point c’est un cadeau quand tout se passe bien. J’ai pu prendre un congé sabbatique de 6 mois pour guérir et je me suis vraiment posé plein de questions : pourquoi avais-je besoin d’être devant un public ? Pourquoi avais-je besoin de chanter ?

Mais je sais que la musique, c’est viscéral chez moi. J’ai juste envie d’être encore plus honnête, authentique, ouverte…et encore plus proche de moi-même. Et d’arrêter de vouloir être parfaite dans tous les domaines. Trop, c’est trop et la vie est beaucoup trop courte.

Un rêve un peu fou que vous voudriez réaliser ?

Continuer et avoir les moyens de faire des choses folles. J’aimerais uniquement être encore plus célèbre et être riche pour construire un mécénat et donner les moyens aux jeunes… qui puissent à leur tour travailler sans contraintes. Juste pour la créativité et pas pour l’argent. Au niveau du monde… qu’il devienne plus conscient, que les gens prennent soin d’eux… Je redeviens à fond hippie (rire) ! Il faut s’aider, il faut être ouvert… redevenir un monde plus doux.

 

An-PierléPlus d’infos ? 

Page Facebook : An Pierlé 

Page Facebook : An Pierlé Quartet 

Youtube : An Pierlé Quartet 

 

Photos : @Brussels Is Yours