Béa Ercolini :
femme inspirante et inspirée

Béa Ercolini, c’est un savoureux mélange de douceur et de force, de charme et d’élégance, mais c’est avant tout une femme… Une femme qui se bat pour plus d’égalités; une femme engageante et engagée… Nous avons eu la chance de la rencontrer et d’avoir eu cette conversation profonde sur sa carrière, ses projets et ses combats.

BIY: Vous avez été durant 13 ans rédactrice en chef au ELLE Belgique et vous chapeautiez la version néerlandaise également. En 2012, vous avez créé « Touche pas à ma pote » une association contre le harcèlement de rue. Quel a été le déclic pour la créer ? béaeroliniBéa Ercolini : La suite du film de Sofie Peeters (Femme de la rue), je l’appelle Sainte Sofie d’ailleurs (rire) ! Elle est devenue notre marraine… Je me souviens très bien, on était début juillet et je travaillais sur le magazine de la rentrée et j’étais très impressionnée que ce film libère la parole de tant de femmes…. Toutes les femmes de n’importe quel âge avaient quelque chose à raconter. Et puis, j’étais vexée par le fait que très rapidement, il y ait une réaction à cette parole libérée et au fait qu’on les accusait de stigmatiser une communauté, d’être racistes, d’avoir un agenda caché… et je trouvais ça très vexant… Pour une fois que les femmes prenaient la parole…HOP…on la leur reprenait aussi vite. C’est la raison pour laquelle, j’ai voulu qu’on crée quelque chose qui fasse que l’on continue à en parler. D’abord en faisant un grand article dans le magazine et puis en créant cette campagne « Touche pas à ma pote »… Je l’ai réalisé en crowdfunding avec une poignée d’amis qui étaient des femmes politiques de différents partis, avec mon éditeur et chacun a mis un peu d’argent dans un chapeau et avec ça on a financé le logo, des stickers qu’on a mis sous blister avec le magazine. Puis j’ai créé un groupe Facebook et en 15 jours, il y avait 6.000 personnes… Je me souviens, j’étais à mon bureau et je voyais les notifications défiler… La vitesse à laquelle les gens se sont inscrits à ce groupe était vraiment impressionnante… Et suite à ça, il y a eu toute une série de personnes qui m’ont donné de l’argent pour développer des campagnes. Puis, plusieurs personnes nous ont aidé gratuitement à les réaliser… Et c’est comme ça que nous nous sommes retrouvés avec un tram entier recouvert avec le slogan « C’est pas en nous traitant de tepu que tu vas pécho »…Cette campagne est vraiment venue avec des solutions et c’est ce qui a intéressé les gens… c’est ce que nous continuons à faire :  chercher des solutions. Là nous avons remis un plan sur deux ans avec des choses qui sont de l’ordre du changement de mentalité, mais également de l’ordre de la formation. Et enfin, le plus gros de notre programme est la sensibilisation auprès des jeunes en classe. Nous envoyons des comédiens de la ligue d’impro… nous touchons ainsi les jeunes de différents âges. Et j’ai encore beaucoup d’idées de développement… Il y a un an, vous quittiez le ELLE pour vous consacrer à vos projets… BEABEEOui nous nous sommes quittés d’un commun à accord…À la fois, je n’ai pas arrêté et puis en même temps j’ai pris de longues vacances, j’ai voyagé… J’ai un peu tout changé dans ma vie (rire)… C’est une année fantastique ! C’est tellement bon de changer… je sentais que j’en avais besoin…J’ai eu une chance magnifique d’avoir eu ce job qui m’a ouvert des possibilités extraordinaires, qui m’a -comme on dit maintenant- empoweré… J’ai eu la chance de rencontrer des gens fabuleux…surtout des femmes… D’où l’idée du cercle BEABEE… J’avais envie de faire connaître ces femmes que je trouve tellement merveilleuses et de les présenter à ma manière…que d’autres femmes puissent les rencontrer…À l’heure des réseaux sociaux, j’avais envie d’une rencontre en chair et en os, une rencontre vraie dans un lieu physique avec pas trop de monde. Nous limitons les événements que nous organisons, par exemple les dîners, nous sommes 35 personnes maximum. On a, ainsi, la garantie de rencontrer réellement la personne invitée, de lui parler comme aux autres personnes qui sont également présentes à l’événement. Avec Dominika Herzig (cofondatrice de BEABEE), nous jouons vraiment les entremetteuses… nous connectons les gens ensemble. C’est vraiment un pur bonheur de faire rencontrer les gens, de partager ses connaissances et de faire découvrir des femmes très connues à l’étranger et moins ici. Chaque membre qui s’inscrit à BEABEE, nous les rencontrons personnellement et nous les écoutons. Chacune explique sa situation et bien souvent nous les conseillons et nous arrivons à les aider à résoudre certaines difficultés qu’elles éprouvent dans leur parcours… C’est souvent comme ça, vous savez, on est plus doué à résoudre les problèmes des autres que ceux qui nous touchent…C’est aussi ça BEABEE : écouter et mettre en contact… Ces derniers temps dans l’actualité, le féminisme est au centre des préoccupations. Vous qui êtes depuis toutes ces années au cœur de la bataille, si je puis dire… N’est-ce un peu dommage qu’il faille attendre un fait divers pour que ça éveille la conscience collective ?  béaeroliniOui ou l’inverse ! On peut considérer que la bouteille est à moitié pleine et on se dit « ENFIN ça bouge »… De toute manière ce qui compte, c’est que ça bouge et que ça continue de bouger. Ce qui serait terrible c’est que ça retombe et que rien ne se passe…D’ailleurs, il n’y a pas grand-chose qui se passe…Il n’y a pas d’homme ou de femme politique qui se sont levés pour dire on va prendre telle mesure. Je sais que parfois ça prend du temps, mais je me serais attendue à un peu plus d’annonces de mesures en disant « on va se réunir, on va réfléchir à des solutions »…J’ai envie de faire quelque chose… C’est un peu un rêve…mais j’aimerais fédérer un cercle de femmes appartenant aux différents partis  politiques démocratiques belges francophones et néerlandophones et qu’on se mette d’accord sur un programme…très simple, en quelques points, super lisible et compréhensible par tout le monde…qu’après chacune se serve et l’utilise comme argument électoral pour leur campagne en tout ou en partie…mais qu’elle l’utilise et on ira pas récupérer le truc. Ce qui compte c’est de finalement faire bouger les choses en termes d’égalité, en termes de lois, en termes de respect…Je sais qu’après c’est un sujet délicat et que ce n’est pas facile… Où mettre le curseur entre ce qui est de la séduction entre homme et femme et le harcèlement ? Je sais que ce n’est pas simple..Là il faut que les juristes planchent là-dessus…mais il y a trop de situations qui sont épouvantables. Heureusement tous les hommes ne sont pas des Harvey Weinstein, cela ne concerne qu’une minorité !  Simone de Beauvoir disait : « On ne naît pas femme, on le devient »… Êtes-vous d’accord avec ça ? béaeroliniJe ne me suis jamais posée la question (rire) ! Je pense que oui…avec toute une série d’étapes…Je suppose que pour les hommes, c’est la même chose…mais c’est fou comme notre vie est faite de passages importants, de changements…Je me rappelle très clairement de devenir mère, ce que ça a pu générer chez moi ; d’effacement de l’ego, d’immense empathie, d’émerveillement… C’est un passage que j’ai adoré ! Et puis, le passage des 40 ans… 40 ans, c’est top ! Etre une femme de 40 ans, c’est le bonheur…le plus bel âge (rire) ! C’est une maturité professionnelle, relationnelle, on est débarrassé de son ego, les enfants ont déjà un peu grandi, on a encore un super corps, etc. Puis, il y a le passage des 50 ans…quand je vois toutes ces femmes qui laissent pousser leurs cheveux blancs et qui l’assument…C’est vraiment un passage…Et c’est intéressant de voir que notre vie est faite de passages. À chaque fois, on devient la femme qui correspond à l’âge qu’on a…et on est juste par rapport à son âge. On pourrait même dire « on ne naît pas femmeS… » au pluriel parce qu’à ces différentes étapes, on devient une femme différente qui est toujours dans l’évolution et dans la justesse.

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