Fanny Ruwet:
L’enfant terrible du stand-up!
Elle est partout, Fanny Ruwet : sur Pure FM, France Inter, dans des capsules Web… Elle a joué à Montreux, Paris et un peu partout en Belgique. En un an et demi, elle a réussi à s’imposer dans le monde du stand-up. On l’aime pour son humour drôle et cinglant. Mais Fanny Ruwet n’a pas peur de provoquer d’autres émotions que le rire. Boulimique de travail, elle n’a pas qu’une seule activité. Du haut de ses 25 ans, ce petit bout de femme, « L’enfant terrible » comme on la surnomme nous impressionne…
Quels souvenirs gardes-tu de ton enfance ?
J’aimais bien être seule. J’étais beaucoup dans mon coin à lire ou faire des skyblog… Je passais beaucoup de temps sur l’ordinateur. J’ai passé mon enfance dans un petit village perdu où il y avait deux bus par jour pour quitter cet endroit. Donc ça ne facilitait pas les choses. Plus jeune, j’adorais faire rire. J’étais la petite rigolote de service et puis arrivée à l’adolescence, ce fut un peu comme les montagnes russes. J’ai eu une période où je n’aimais pas trop les gens… je n’aimais pas trop parler. J’étais un peu la fille qui lisait dans ce coin et dont personne ne faisait attention. J’en parle beaucoup dans mon spectacle cette période où on commence à se construire…
Et aujourd’hui, tu montes sur scène et tu parles devant plein de gens… C’est vraiment l’opposé de cette période-là…
Je ne sais pas en fait… D’un côté, c’est très cohérent parce que là c’est moi qui ai le contrôle sur tout. Je sais ce que je dis. Tout est prêt. Tout est écrit à la virgule près. C’est moi qui parle, les gens ne répondent pas. Il y a vraiment un contrôle qui n’existe pas dans les vraies relations sociales. Je suis beaucoup plus à l’aise sur scène avec un micro devant des gens que dans une conversation classique…quand les spectateurs viennent me voir après et que je ne sais pas quoi dire. Je n’ai pas les codes en fait tandis que sur scène, je les ai. Je me suis beaucoup renseignée et j’ai lu énormément de choses sur le stand-up. C’est assez différent… D’un côté, c’est logique, mais de l’autre c’est assez étrange de monter sur scène et parler de soi… C’est contre-intuitif de se dire qu’on va monter sur scène et être la seule éclairée et que les gens payent pour ça !
Tu réalises un bachelier en communication à l’IHECS et ensuite tu obtiens un Master en Relations publiques à l’ULB et l’HIECS. Était-ce pour vaincre cette timidité que tu poses ce choix ?
Sur papier, c’était une mauvaise idée depuis le début, mais je ne sais pas… Je me suis dit : « Ça va le faire ! » (rire) ! Je sais que quand il y a des projets artistiques dans lesquels je crois, j’aime bien essayer de les défendre et essayer de les promouvoir. Après, je n’avais pas réalisé à l’aspect où il faut courir après les journalistes pour essayer de leur prouver que le projet que tu défends vaut vraiment la peine. J’ai fait ça pendant six mois après mes études et j’ai détesté. J’ai quitté et j’ai un peu zoné pendant encore six mois… je travaillais toujours chez Pure FM. Je bossais un peu pour des presses locales. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire de ma vie… Et en juin 2018, je me suis inscrite à une scène ouverte au Kings of Comedy Club. Je voulais voir si j’étais capable de faire un truc dont je serais vraiment fière et j’avais du temps. J’ai commencé à écrire et à jouer… Et maintenant, c’est devenu mon métier. Je gagne ma vie à faire des blagues (rire) !
Et qu’est-ce qui t’a poussé à le faire ?
Au départ, c’était vraiment le challenge. Il y a beaucoup de gens qui le font et il y en a plein que je ne trouve pas bons parce qu’ils n’ont pas de propos. Ce sont juste des blagues gratuites. Et je me suis demandée si je serais capable de construire quelque chose qui aurait du sens, qui serait intelligent, bien ficelé, drôle… Il y a des artistes comme Daniel Sloss qui a deux spectacles sur Netflix qui sont juste incroyables ou Marina Rollman qui en quatre minutes sur France Inter arrive à te faire une conférence TED bien foutue et hyper drôle… Je me dit qu’il faut avoir une sacrée intelligence pour faire ça. J’ai voulu savoir si j’étais capable de le faire… Et puis, de fil en aiguille… j’ai amélioré ce que je faisais et puis j’ai eu de la matière suffisante pour en faire un spectacle. J’ai eu de chouettes opportunités qui se sont enchainées très vite et aujourd’hui c’est mon métier. Ça reste encore très étrange pour moi. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je ne sais jamais quoi répondre. Déjà parce que le métier n’est pas encore légitime. Il n’y a pas d’école de stand-up excepté au Canada… Et puis, qu’est-ce qui fait de toi un humoriste ? Le fait que tu racontes des blagues ? Le fait que tu montes sur scène en raconter ? Le fait que tu en vives ? Il n’y a pas de limites claires. Je fais des podcasts, je fais de la radio… C’est un mélange hybride.
Est-ce le syndrome de l’imposteur ou le fait d’être légitime dans le regard des autres ?
Un peu des deux… Là ça va mieux, car comme il m’est arrivé plein de trucs comme Montreux, le gala de Canal +, France Inter … Finalement, des gens que j’estime m’ont validé. La légitimité vient d’eux. Après c’est toujours très étrange, je travaille beaucoup, mais il y aura toujours un facteur chance. Il y a des gens qui font ça depuis des années et qui galèrent. Moi, je fais ça depuis un an et demi et il m’arrive des choses merveilleuses… C’est un milieu très instable. Il y a des montagnes russes en permanence. Tu peux faire une date incroyable où tu as l’impression d’être le roi et le lendemain tu fais le même spectacle et c’est nul ! Tu vois les spectateurs qui se demandent qu’est-ce que tu fais là. Juste parce que ce n’est pas leur style… Rien n’est jamais acquis. Tout est à regagner en permanence ! Il y aura toujours des gens que je ne ferai jamais rire…
Depuis quelque temps, tu réalises une chronique sur France Inter. Comment est-ce arrivé ?
C’est assez comique comme histoire ! Je ne leur ai pas encore dit… En fait, c’est Guillermo Guiz qui a filé mon numéro. Ils ont regardé ce que je faisais. Et un jour, je reçois sur Instagram un message : « Est-ce qu’on peut se parler ? » d’un compte où il y avait juste un nom et une photo. Donc je réponds : « Oui, bien entendu. Je vous écoute ». Et là, il me répond : « Appelle-moi à ce numéro ». Et je me dis : « Non, bien sûr que non » (rire) ! Et comme, il y a souvent des gens un peu étranges sur le Net, je le bloque par précaution. Puis, je reçois le même message via Twitter et là son profil était complété et je constate que c’était le rédacteur en chef de France Inter (rire) ! Je l’ai vite débloqué et je l’ai appelé (rire) ! Quelque temps plus tard, je faisais un pilote toute seule dans un studio avec le rédacteur en chef qui n’a pas rigolé une seule fois de toute ma chronique. C’était affreux (rire) ! Je me suis dit que c’était mort. Et à la fin, il m’a dit : « C’était bien ! » (rire) ! Ça fait deux mois et pour l’instant je m’amuse bien. Puis, l’émission est géniale. Si j’avais pu choisir un endroit, cela aurait été exactement là. C’est dingue de me dire que je suis avec Nagui, Marina Rollman, Guillermo Guiz, … En général, ce sont des chroniques que j’écoute en podcasts, pas que je fais !
En parlant de podcasts, tu en as plusieurs à ton actif. J’en ai écouté quelques-uns. Il y a « Les gens qui doutent » « Cuistax » et un sur la bisexualité. Qu’est-ce qui t’a donné envie de parler de ces sujets ? C’est parce qu’on ne t’a pas donné l’occasion de le faire à l’antenne ? Ou tu voulais faire quelque chose à toi ?
Il y a un peu de ça… Je ne veux pas avoir de compte à rendre et donc je vais faire mes trucs dans mon coin. J’ai commencé avec « Cuistax« , car je me rendais compte que dans les médias en musique, il y avait peu de choses plus indés, des choses qui ne sont pas assez grand public. Puis, il y a eu « Les gens qui doutent » et là c’était plus une excuse pour rencontrer des gens que j’aime bien (rire) ! Discuter avec et voir leur vision de leurs projets artistiques, leur carrière, comment ils gèrent la notoriété, le public … Projeter un peu toutes les angoisses que je peux avoir, mais sur eux (rire) ! Les problèmes que je ne suis pas arrivée à gérer, c’est eux qui le font (rire) ! J’adore faire ça ! J’ai rencontré des gens super qui sont devenus des amis. Et puis, il y eut « Bisexualités » qui était une commande de la RTBF. Ils voulaient faire un podcast sur la bisexualité à l’occasion du lancement de la saison 2 de sa websérie « La Théorie du Y ». Et comme j’en parle dans mon spectacle, ils ont pensé à moi.
Est-ce difficile d’être une femme humoriste ?
J’ai de la chance par rapport à d’autres femmes qui font ce métier, comme je parais très jeune, on ne me sexualise pas. Je reçois assez peu de messages chelous ou à teneur sexuelle. Mais il y a des aprioris. Quand on regarde en radio, les titulaires d’une tranche, ce sont souvent des hommes. Et en humour… ça m’a encore marquée hier… Je joue à Bordeaux en mars et j’ai publié l’affiche et je suis la seule femme sur 10 humoristes. Je pense que les femmes attendent d’avoir beaucoup de choses à dire avant de monter sur scène, là où un mec a une blague et il se sent prêt. Je pense qu’il y a cette peur d’être jugée qui est davantage présente chez une femme. Donc il y en a moins… Aujourd’hui, ça commence à changer et à se développer…. Je pense que dans la nouvelle vague, il va y avoir plus de femmes. Il y en a vachement plus qu’il y a 5 ou 10 ans. J’ai eu de la chance de ne pas passer par cette étape. Une femme humoriste par contre, va être très vite comparée à une autre humoriste. Ce qui n’arrive pas chez les hommes. Ça n’a pas de sens et c’est souvent infondé.
Dans ton spectacle ou tes chroniques, tu parles souvent de ta vie privée : de ton copain, de ta séparation, de ta famille … Est-ce que parfois, les gens de ton entourage sont blessés par ce que tu dis ?
En général, quand je sens que ça pourrait être le cas, j’en parle à la personne concernée. Dans mon spectacle, je parle un moment d’une fausse-couche. J’ai demandé à mes amis si je pouvais en parler. Pareil pour mon ex-compagnon. Mais mon entourage sait que c’est mon métier, que je romance aussi parfois les choses et très souvent ça les fait rire. Je me souviens que j’avais fait une vidéo lors d’un festival où je réalisais un Quiz lors du concert de Zaz aux festivaliers. Je demandais : « Est-ce que cette phrase est de Zaz ou de ma mère sur Facebook? » (rire) ! Et ma mère a beaucoup ri avec ça, elle l’a même partagé… Il y a un ton, un angle, un contexte… mais je pense qu’on peut rire de tout.
Est-ce un exutoire pour toi de mettre des événements personnels et de les transformer en blagues ?
Un exutoire… je ne sais pas…mais le fait d’écrire les choses, d’essayer de faire des théories, ça me permet de mieux fixer ce que j’ai dans la tête et ce que je ressens. Dans le spectacle, par exemple, je dis que j’utilise beaucoup de blagues pour échapper aux situations plus sérieuses. Et avant d’écrire ça, je ne m’en étais pas rendu compte. Ça me permet de remarquer mes mécanismes, de faire le point sur comment on fonctionne. C’est assez intéressant… Exutoire après… Mon mec m’a déjà dit que je tournais un peu rond, car c’était souvent les mêmes sujets qui revenaient. C’est vrai, parce que c’est ce qui me travaille à des moments précis. Pourquoi je fais de l’humour ? Pourquoi j’ai l’impression de ne pas être adulte ? Pourquoi je réagis de telle façon ?… Ce sont des instantanés de ce que je ressens à des moments précis de ma vie. C’est toujours essayer de tirer du positif de choses qui ne sont pas toujours agréables. Par exemple, je parle dans mon spectacle de l’anniversaire de Jean. Sur le moment, c’était très nul de vivre ça, mais maintenant c’est drôle d’en parler et de jouer avec la débilité de cette situation.
J’étais relativement impressionnée en voyant tout ce que tu fais entre les podcasts, la RTBF, tes chroniques sur Pure FM deux fois par semaine, France Inter, l’écriture et le soir tu joues sur scène… Comment gères-tu ?
C’est quelque chose que je dois apprendre à gérer. Je suis boulimique de tout ça et comme ça marche j’ai envie de faire le plus de choses possible. Et je me retrouve avec des semaines de fous où j’ai juste parfois envie de crever (rire)! C’est quelque chose que j’ai du mal à faire : dire « non » et me ménager, me garder un ou deux soirs par semaine où je suis OFF sinon je vais être dégoutée à un moment. Ça m’est arrivé en décembre, j’étais au bout de ma vie et je voulais tout claquer. Là, j’essaye un peu plus de regrouper les dates quand je pars à gauche et à droite. J’essaye de mieux m’organiser et de mieux travailler aussi, car j’ai beaucoup de problèmes d’attention. J’ai du mal à rester concentrée. Il ne faut pas qu’il y ait Internet ni mon téléphone. J’accepte que je suis complètement faible par rapport à ça. J’essaye de travailler beaucoup plus efficacement sur des périodes plus courtes et comme ça après je peux faire ce que je veux. Avant, je pouvais passer une journée complète à travailler vaguement, à m’en vouloir parce que je devrais travailler alors que je suis juste sur Facebook en train de faire n’importe quoi. Donc là, il faut que je retrouve une rigueur et une discipline, car quand tu as 18 projets différents et personne pour te donner des deadlines claires, c’est vraiment compliqué de trouver son rythme.
Qu’est-ce qui te ressource ?
Je suis allée en vacances en Normandie avec deux amies. On a fait du feu, des siestes et on a lu des livres. C’était trop bien (rire) ! Et c’est ce que je préfère faire au monde ! Ne rien faire…être chez moi… J’adore être chez moi à ne rien faire ou à lire des livres…
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Photos : @Brussels Is Yours
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