Le film de la semaine :
« Les Misérables » de Ladj Ly

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Séance de rattrapage pour le Prix du Jury cannois qui est déjà dans les salles depuis plusieurs semaines. BIY vous raconte pourquoi « Les Misérables » de Ladj Ly est une oeuvre coup de poing incontournable.

Résumé :

 Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade anticriminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux « Bacqueux » d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme leurs moindres faits et gestes.

 

Avis :

N’allons pas par quatre chemins, pour son premier long-métrage, Ladj Ly a réussi un coup de maître.

En 1995, « La Haine » de Matthieu Kassovitz se concluait sur ces mots : « Jusqu’ici tout va bien. Mais l’important ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » Sentence prémonitoire, dix ans avant les émeutes de Clichy-sous-Bois et Montfermeil qui allaient embraser la banlieue parisienne.

Ladj Ly a grandi à Montfermeil. Il a décidé à son tour de prendre les armes pour raconter « sa » banlieue. Issu du collectif Kourtrajmé (qui a révélé Kim Chapiron et Romain Gavras, le tout sous le parrainage de Vincent Cassel), Ly est loin d’être un novice.  Il a signé plusieurs documentaires militants  tout en coréalisant, avec Stéphane de Freitas, le très remarqué « À voix haute » en 2017. 

Misérables-film« Les Misérables » est un film éminemment politique. Le film s’ouvre très intelligemment sur la victoire de la France lors de la Coupe du Monde de football de 2018. Pur moment fédérateur, le peuple, issu de toutes les classes de la société, entame la Marseillaise, agite des drapeaux multicolores…Mais dans la banlieue de Montfermeil en Seine-Saint-Denis, la réalité brutale reprend vite le dessus.

Ladj Ly nous rappelle que Victor Hugo a écrit ses « Misérables » dans la ville de Montfermeil et la filiation qu’il crée avec l’œuvre de Hugo est pertinente et virtuose. Ici, Gavroche s’appelle Issa, il est noir et musulman et fait beaucoup de conneries.

Le film entier brille par son humanité. Nul n’est totalement coupable nul n’est totalement innocent. . Les personnages sont tous débordés par la situation. Il y a le Maire autoproclamé, grande gueule qui n’entend pas se laisser marcher sur les pieds, l’ancien dealer reconverti en sage local qui délivre ses proverbes dans son kebab, les grands frères débordés, les parents absents…

Et puis, les flics qui se vantent de se faire respecter des gens du quartier par la terreur.

Et au milieu de ce chaos, ce volcan prêt à exploser à tout moment, il y a les enfants, principales victimes de cette anarchie.

La dernière demi-heure, la plus dingue est une démonstration de force cinématographique qui restitue avec sauvagerie l’atmosphère de guerre urbaine ressentie lors des émeutes de 2005. La dernière image restera à jamais gravée dans votre rétine.

« Les Misérables » de Ladj Ly est une œuvre sidérante, impressionnante de maîtrise et de puissance narrative. Ce n’est pas un pamphlet, mais une invitation à réfléchir, doublée d’un état des lieux alarmant. Un film-choc et sans concession qui met dos à dos une police dépassée et pétrie de contradiction, et la cité de Montfermeil en Seine-Saint-Denis, fracturée et en manque de repères. Un portrait sous tension de ces territoires abandonnés où les enfants, aux premières loges, poussent comme ils peuvent.

Le film est nominé aux Oscars dans la catégorie « Meilleur film étranger ». On croise les doigts.

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