Karen De Paduwa:
« De ma différence, j’en ai fait une force ! »

Karen-de-Paduwa

Karen De Paduwa est une actrice à l’humour explosif qui a brillé sur de nombreuses scènes belges, françaises et canadiennes, ainsi que dans le Grand Cactus de la RTBF. Dernièrement, Karen De Paduwa a surpris son public avec un rôle tout en émotion dans Gelsomina… Elle aime être là où on ne l’y attend pas. Lors de cette interview, Karen De Paduwa nous touche par sa sincérité, son dynamisme et sa joie communicative… 

Est-ce que le théâtre était déjà une passion quand vous étiez enfant ?

Karen-de-PaduwaNon, je ne dirais pas que c’était une passion. Mon père faisait du théâtre amateur, il en fait toujours d’ailleurs… Je baignais donc dedans déjà toute petite. À la base, je voulais devenir vétérinaire (rire) ! J’ai même fait trois années en biologie à l’université avant que mon cousin me persuade de rentrer avec lui au Conservatoire. Je m’ennuyais à l’ULB, je sentais bien que ce n’était pas pour moi. Mon cousin m’a un peu lancé un défi pour présenter l’examen d’entrée. On a travaillé cet examen sérieusement et à mon plus grand étonnement j’ai été prise et ma vie a pris un tout autre tournant…

Vous terminez première au Conservatoire…

Oui, j’ai eu mon diplôme en trois ans et c’est à partir de ce moment-là que le théâtre est devenu une passion. J’ai eu deux professeurs extraordinaires : Michel de Warzée et Yves Claessens. Ils m’ont tout appris, ils m’ont transmis cette passion et ils m’ont fait confiance et je me suis éclatée durant mes études. Me retrouver au Conservatoire, c’était comme une évidence.

Ensuite, vous vous tournez vers des spectacles pour enfants, dont un qui connaîtra 350 représentations… 

Karen-de-PaduwaC’est Bernard Chemin, le directeur du théâtre Papyrus, un très grand théâtre pour enfants, qui est venu me trouver en me proposant un spectacle qui incluait une tournée au Canada. À l’époque, j’étais en deuxième et si je voulais participer à ce grand projet, il fallait absolument que j’aie terminé le Conservatoire l’année d’après. J’ai fait des allers-retours durant ma dernière année pour participer à l’écriture et commencer les répétitions. J’ai été diplômée en juin et en septembre, je partais en tournée. Il y a eu 350 dates à travers toute la France, la Belgique et le Canada. 

Ce qui est complètement fou pour un premier contrat…

Karen-de-PaduwaOui, c’était complètement hallucinant. Et puis, avoir comme public des enfants, c’est un des publics les plus difficiles…mais le plus sincère finalement. Si 200 enfants dans une salle n’aiment pas le spectacle, tu vas le ressentir directement. Donc en plus des 350 représentations, il y avait ce challenge-là aussi… Ce qui est encore plus fou pour un tout premier contrat. 

Quels souvenirs gardez-vous de cette gigantesque tournée ?

Karen-de-PaduwaDes excellents souvenirs… La vie de tournée est géniale ! Et puis, j’ai rencontré le papa de mon fils sur cette tournée qui était régisseur. C’était une belle histoire… La vie de tournée est aussi belle, qu’elle peut être usante… Nous avions deux représentations par jour, on jouait à 10h et à 13h puis on démontait, on reprenait la route… Il y avait des moments où je voulais être chez moi à ne rien faire (rire) ! Mais ça reste des souvenirs de dingue ! Ça m’a également formée… jouer autant de fois avec des publics très différents. Le public canadien n’est pas le même que le public français. Puis, nous avons mis un terme à la tournée, car cela faisait 3 ans et avec mon compagnon, nous voulions avoir un enfant. À mon retour, j’ai joué Phèdre et c’est durant ce spectacle que j’ai appris que j’étais enceinte. Je crois que c’est la seule fois de ma vie où j’ai eu un break le temps de ma grossesse. Noah avait 5 mois que je recommençais à travailler. 

Et comment arrivez-vous dans l’émission du Grand Cactus ?

Karen-de-PaduwaComme je le disais, j’ai fait mes études avec Michel de Warzée qui est le père de Jérôme. J’avais rencontré Kody deux ans auparavant lors d’un spectacle. Et nous avons passé une soirée tous ensemble au Kings Of Comedy Club. Nicolas Ceuppens qui deviendra le réalisateur du Grand Cactus était là et ils étaient en train de créer l’équipe du Grand Cactus. Nous avons passé la soirée à rire et à la fin, ils ont voulu que je fasse partie de l’équipe. Je suis là sporadiquement, mais depuis le début. C’est vraiment une bande de potes. Je ne vais pas au travail, je vais m’amuser avec mes potes (rire) ! Puis Jérôme ne savait pas que j’avais eu cours avec son père…Comme quoi, le monde est petit ! 

Dernièrement, vous avez marqué les esprits avec « Gelsomina », un seul en scène…

Karen-de-PaduwaOui, c’est un seul en scène qui raconte l’histoire du personnage de la Strada et c’est la metteuse en scène Nicole Palumbo qui m’a un jour appelé pour me proposer ce rôle. En raccrochant, je me suis demandée si j’avais bien fait d’accepter dans le sens que c’était un seul en scène, un genre de personnage dont je n’avais pas l’habitude d’interpréter… Je suis dans l’humour et ici nous étions dans l’émotion. Je devais interpréter plusieurs personnages, le texte n’était pas simple à retenir… C’était un grand défi (rire) ! 

Mais défi relevé et haut la main…

Oui, mais ce fut beaucoup beaucoup de travail… La récompense est quand on voit que les gens sont émus en sortant… C’était une belle expérience ! On espère faire Avignon l’année prochaine avec ce spectacle et on le rejoue encore à Spa cette saison-ci. 

Avez-vous rencontré des difficultés durant votre parcours ? 

Karen-de-PaduwaÉtonnamment, ce sont mes années au Conservatoire qui ont été un peu plus compliquées pour moi. J’avais deux professeurs qui n’ont pas voulu de moi dans leur classe, car ils ne voulaient pas former une « naine », car « une naine ne travaillerait jamais en Belgique » ! J’avais répondu que leur travail consistait à me former pas à me prédire ma carrière. De quel droit un professeur choisit ses étudiants ? Heureusement, Michel de Warzée et Yves Claessens n’ont pas du tout été d’accord et m’ont prise sous leur aile. Je leur dois beaucoup ! 

C’est assez choquant comme histoire… À cet âge-là, beaucoup aurait pu être détruit…

Ça fait partie de ma vie…Les réflexions, les gens qui se retournent dans la rue…Souvent sur les réseaux sociaux ou lors du Grand Cactus, je vois les commentaires des gens : « Qu’est-ce que cette naine fout là … » ou d’autres commentaires parfois très violents. Les gens sont très forts derrière leur ordinateur pour critiquer…Ils le disent moins en face de la personne… 

C’est difficile d’être une femme dans ce métier ?

Karen-de-PaduwaOui, c’est difficile ! Déjà dans toutes les pièces classiques, le rôle des femmes est faible par rapport à celui des hommes. Que ce soit dans Molière, Shakespeare, Racine…ce sont des héros pas des héroïnes. Peu de rôles pour beaucoup de femmes dans ce milieu. Après moi j’ai de la chance, je ne concours pas avec ces femmes. Je n’ai jamais été en compétition, car on me prend aussi pour ma taille… De ma différence, j’en ai fait une force ! Mon parcours est atypique et j’ai de la chance de pouvoir m’exprimer ! Qu’on soit mince, moche, gros… Tout le monde a sa place dans ce métier du moment qu’on le fait avec passion. 

Un conseil que vous donneriez aux jeunes qui sont au Conservatoire ? 

Karen-de-PaduwaD’y croire et d’y croire à mort ! De croire en soi sans s’y croire trop… ne pas se prendre la tête et travailler, travailler…Il n’y a pas de secret dans ce métier, celui qui ne fait rien n’ira pas loin… Et puis, oser… Sortir de sa zone de confort, se mettre en danger…prendre du plaisir et s’éclater ! Car quand tu montes sur les planches, si tu t’ennuies tout le monde va le voir… Le métier est assez dur… si tu ne le fais pas par passion, tu ne peux pas tenir… C’est un métier difficile à plusieurs niveaux que ce soit financièrement ou au niveau de la reconnaissance… Pour l’ONEM, nous sommes des glandeurs. J’ai eu une dame qui m’a un jour dit: « On dit JOUER au théâtre. C’est bien la preuve que ce n’est pas un métier » (rire) ! On doit se battre pour ce statut d’artiste alors qu’on ne gagne vraiment pas grand-chose… Nous n’avons pas de reconnaissance et pourtant je trouve que c’est l’un des plus beaux métiers du monde… 

Un rêve un peu fou que vous voudriez réaliser ?

Avoir un rôle de femme…comme Roxanne dans Cyrano ! Surprendre les gens. Être là où on ne m’attend pas… C’est le secret du métier… Quand j’ai joué Gelsomina, les gens sont venus me trouver pour me dire : « Mais comment arrivez-vous à passer de pikachu dans le grand Cactus à ce rôle si poignant où on sort en larmes ? » J’aime ça…sortir de ma zone de confort…c’est mon moteur…

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Karen de Paduwa: Facebook 

 

Photos : @Brussels Is Yours