L’histoire de Fritland au théâtre !

Zenel-Laci-fritland

Fritland naît dans les années 70 quand une famille d’immigrés albanais nourrie au rêve américain atterrit à Bruxelles. Les Laci achètent un local derrière la Bourse et y ouvrent leur  commerce qui tournera 24h/24. Les six enfants sont mis à contribution. Cette histoire de famille est racontée par Zenel Laci, l’un des fils, avec une sincérité touchante et beaucoup d’humour. L’histoire de Zenel est intime, précieuse, car elle nous parle d’immigration, mais également de réalisation de soi. 

Vos parents arrivent d’Albanie en Belgique alors qu’ils avaient des rêves d’Amérique. Comment était votre enfance en tant qu’enfant d’immigrés ? 

Zenel-Laci-fritlandDans la tête de mes parents, il était évident que la Belgique était un passage et non une destination. Les premières années, nous sommes restés enfermés sur nous. Il n’y avait que les Albanais qui franchissaient la porte. Et un jour, mes parents décident de reprendre un commerce et le transformer en friterie. Fritland était né. Nos parents nous ont mis à contribution mes frères et mes soeurs. À ce moment-là, c’est un peu comme si le monde s’ouvrait à nous. On rencontrait enfin des Belges et à travers eux la liberté qu’ils avaient et qui nous était interdite. Notre père était très très dur avec nous, mais également avec lui-même. 

À quel âge avez-vous commencé à travailler à la friterie Fritland  ?

Zenel-Laci-fritlandJ’avais 14 ans ! Les deux premières années, j’allais à l’école et puis je travaillais. En toute honnêteté, je n’aimais pas l’école. Je faisais l’école buissonnière. Quand mon père l’a découvert, il m’a fait travailler à temps plein (rire) ! Je n’étais pas un mauvais élève…mais on nous avait placés dans une école technique et ce n’était vraiment pas ma tasse de thé. J’allais seulement aux cours qui m’intéressaient comme le français, l’histoire ou encore la géographie. Comme j’en ai eu vite marre de traîner dans la rue, j’avais inventé tout un stratagème. Je faisais semblant de partir à l’école. J’attendais que la maison soit vide et puis, n’ayant pas les clés, je m’introduisais dans la maison par le soupirail. Je me cachais dans le grenier et je passais mes journées à lire. Je me suis nourri de littérature, huit heures par jour au lieu d’aller à l’école. Mon rêve a toujours été l’écriture depuis tout petit. Le théâtre est arrivé bien plus tard.  

Quel a été le déclencheur qui vous a poussé à écrire votre histoire et celle de la friterie ?

Zenel-Laci-fritlandJe racontais souvent ce qu’il se passait à la friterie. Pour placer les choses dans leur contexte, dans les années 90 à la Bourse, ce n’était pas du tout pareil à aujourd’hui. C’était très dur, plus violent ! Les Halles Saint-Géry n’étaient pas du tout ce qu’elles sont aujourd’hui. C’était un quartier qui faisait peur. Je racontais souvent les anecdotes sur les clients de la nuit, comme les prostituées ou les travestis. En racontant mes histoires, je les tournais un peu en dérision et ça plaisait ! Jusqu’au jour où on m’a suggéré de les écrire. La première version du spectacle Fritland mettait les clients en avant et le fritier en retrait. Olivier Blin (directeur du Théâtre de Poche) est venu assister à une lecture et il nous a dit, très justement, que ce genre d’histoire était du déjà-vu. Il nous a suggéré d’accentuer l’histoire autour du fritier en ajoutant qu’il prenait le spectacle à la seule condition que je joue dedans (rire). Et c’est comme ça que le spectacle Fritland est né. 

Et puis, vous rencontrez Denis Laujol qui met le spectacle en scène…

Zenel-Laci-fritlandC’est exact ! Olivier Blin a directement pensé à lui, car Denis a un parcours de vie incroyable et invraisemblable. Je me demande souvent combien nous avons de vies dans une vie. Denis Laujol voulait faire du vélo en professionnel. Il a sacrifié, je pense, toute sa jeunesse, pour s’entrainer et être le plus performant possible. Pour se rendre compte un jour qu’avec sa morphologie, il ne pourrait jamais être un champion ou il fallait qu’il se dope… ce qu’il refusa. Abandonnant ses rêves les plus fous, il en fit une dépression et c’est un psychologue qui lui suggéra de commencer le théâtre. Dès qu’il commença, une nouvelle passion était née. Il a également fait un spectacle relatant sa vie. Ce qui permet de nous comprendre encore mieux. 

Le spectacle parle de votre vie et de comment vous avez pu réaliser votre rêve, quitter les projets que vos parents avaient pour vous…

Ce spectacle représente tellement de choses pour moi ! Mai c’est avant tout dédié à tous ceux qui ont des rêves. J’ai travaillé à la friterie de mes 14 à mes 30 ans. Ce n’est seulement qu’à cet âge-là que j’ai eu enfin la force de me libérer et de décider de vivre pour moi. C’était très long de vivre toutes ces années sous la coupe d’un père autoritaire. C’est une question d’émancipation. On ne peut pas être loyal et réussir. On reste honnête, mais la loyauté est un principe qui peut être lourd. 

Plus d’info ? 

http://poche.be/spectacle/FRITLAND

Photos : @Christophe Vanderborght