Patrick Chaboud:
« Le problème, c’est que je dérange »

Patrick-chaboud

Patrick Chaboud est un comédien d’origine française, Bruxellois d’adoption. Auteur, créateur, directeur artistique et metteur en scène du Magic Land Théâtre. Le public l’a connu et aimé lorsqu’il animait la marionnette de Malvira.  Pourtant, Patrick Chaboud s’est vu refuser son contrat-programme. Depuis, il livre un combat au quotidien pour faire vivre son théâtre et sa passion ! Rencontre avec cet homme passionné qui ne baissera jamais les bras ! 

Comment le théâtre est arrivé dans votre vie ? 

Patrick-chaboudC’est toute une histoire… Il y a eu mai 68 qui était une époque vraiment très interpellante pour moi et quand les choses sont rentrées tristement dans l’ordre et sont devenues affreusement normales… Je me suis dit que ce n’était pas possible de rentrer dans le rang et de faire comme si tout ça n’était jamais arrivé… même si, bien évidemment, il y a eu beaucoup de choses qui en ont découlé. J’ai décidé de prendre la route et de voyager. J’ai donc vécu en Angleterre, en Scandinavie, en Espagne… et un moment, je pars dans un Kibboutz en Israël. Et là je découvre un endroit où tout est basé sur un égalitarisme réel, un partage, un endroit où l’argent n’existe pas… Tout fonctionne avec le troc. Tout ce que j’avais vécu en mai 68 prenait sens et quand je suis rentré en Suède, je voulais en créer un… je trouve toute une communauté et je crée le Magic Land d’où vient le nom du théâtre actuellement ! Je pars en France en étant persuadé qu’on va me donner un terrain et une fois arrivé, je me rends compte que ce n’est plus pareil. J’étais jeune et naïf (rire) ! Finalement, on trouve un terrain dans les Pyrénées et on y reste 4 années. Et puis, la communauté se disperse, la vie en montage est relativement difficile ! Suite à ça, il a fallu rebondir et c’est comme ça que j’ai commencé à faire du théâtre de marionnettes dans les écoles, dans la rue… On a commencé à rayonner… Et un jour, on rencontre un Belge qui nous propose de venir en Belgique pour présenter nos spectacles. L’histoire comique derrière, c’est qu’il y a eu un malentendu entre les francs français et les francs belges… et quand nous sommes arrivés à trois camionnettes, les gens se demandaient comment on arrivait à vivre (rire) ! J’avais déjà un problème avec l’argent à l’époque… Mais l’expérience était top ! On s’est fait plein d’amis qu’on a encore… 

Et c’est là que vous êtes resté ? 

Patrick-chaboudNon, je suis reparti en France… Puis, mon groupe a éclaté… Tout le monde est parti sur d’autres projets, d’autres aventures… Et moi, je voulais voyager… J’ai fait une halte à Bruxelles. Puis, on m’a proposé un passage à la télé avec Malvira… J’ai fait une impro avec Philippe Geluck… tout le monde a trouvé ça drôle… et une productrice cherchait quelque chose d’innovant pour un nouveau show télévisé. 

Et Malvira est un personnage que vous aviez créé ? 

Oui à la base Malvira est un de 35 personnes que j’avais créé pour les spectacles de marionnettes ! Comme, l’impro avait été faite avec Malvira… il n’y avait pas d’autres questions à se poser. C’était elle…

Et puis Lollipop, Nouba Nouba…

Patrick-chaboudAlors 4 ans Lollipop et 4 ans Nouba Nouba… Pratiquement, 10 ans de télévision… Moi, qui avais toujours un sac, prêt à partir… il arrive un moment où on le défait… En parallèle, on avait le théâtre en résidence au Botanique… Et puis un jour, Stanislass vient me trouver pour me proposer de faire un festival de rue, place de la Monnaie, qui s’appelait le festival des faux monnayeurs. A l’époque, personne ne faisait du théâtre dans la rue… excepté lui. Et comme les spectateurs n’allaient pas dans les salles forcément, je me suis dit c’est l’occasion d’aller les chercher. Ce fut une expérience hyper enrichissante… encore aujourd’hui on a gardé ce contact, cette manière d’accueillir les gens quand ils arrivent ici. Et puis, en 1994 on trouve un lieu fixe qui est le Magic Land théâtre actuel. Et là, ça été le début d’une grande aventure entre les créations de spectacles et beaucoup de comédiens ou humoristes qu’on a lancé comme Zidani ou Virginie Hocq…

Là, je vais parler d’un sujet un peu douloureux… En novembre dernier, une décision ministérielle tombe comme un couperet : vous n’avez plus de subsides…

Patrick-chaboudOui cette décision a été prise par la ministre sur les conseils de personnes reconnues dans le métier. Et c’est un peu comme si, on n’était pas assez bien… on finit par s’excuser alors qu’on mérite notre place… Notre dossier a été jugé et rejeté pour « manque de clarté » parce que nous ne rentrions pas dans les petites cases. Nous faisons des événements privés, du théâtre, de l’accueil et de la création de spectacles, on travaille pour les CPAS, la commune… Nous mettons notre savoir-faire au service des gens. Et là, nous sommes massacrés par des pères qui disent que le théâtre c’est ça et pas ça. Le truc figé… avec des gens qui jugent ce qui est bien et pas bien… et qui se partagent les bénéfices. Je n’ai pas à avoir honte ni à m’excuser… nous sommes originaux ! 

Un peu difficile à vivre quand on met toute sa passion dans ce métier et ce lieu ?

Patrick-chaboudOui, très difficile ! Nous étions habitués à recevoir peu… J’avais renoncé à convaincre qui que ce soit de la raison d’être de notre théâtre. Ce que nous recevions n’était clairement pas suffisant, mais ça nous permettait d’avoir un fond de matelas… Et du jour au lendemain, tout est terminé ! Cette saison a été atroce… Nous avons dû licencier du personnel. En interne, ce fut très dur ! Il n’était pas question de fermer les portes, je me suis toujours battu… 

Et puis, il y a eu le cabaret organisé pour récolter des fonds et où vous avez eu finalement la reconnaissance du public…

Oui, mais je ne pense pas qu’on pourra refaire ça régulièrement ! Nous avons toujours des dettes… Cet argent nous a simplement permis d’échelonner nos remboursements et freiner la procédure ! Aujourd’hui, nous allons recevoir une petite aide de la loterie ! Demander toujours de l’aide, c’est fatigant ! Nos nerfs sont mis à rude épreuve… ça m’a valu deux séjours à l’hôpital… Il va nous falloir trouver une solution… et personne ne peut nous aider ou conseiller… Le problème, c’est que je dérange et je ne plais pas à tout le monde… mais je continuerai à me battre quoiqu’il arrive ! 

Plus d’info ?

www.magicland-theatre.com

 

Photo illustrant l’article : @Christophe Vanderborght