Typh Barrow :
« Plus la part d’ombre est grande, plus la part de lumière l’est aussi ! »
Comparée souvent à Adèle ou Amy Winehouse, Typh Barrow sort des standards par sa superbe voix rauque, enjouée et tellement atypique. Après deux EP, elle sort en janvier dernier son premier album RAW ! Une pure merveille qui séduit le public dès les premières notes. Rencontre avec Typh Barrow, cette chanteuse et compositrice 100% bruxelloise dont on n’a pas fini d’entendre parler.
Brussels Is Yours: Vous commencez à faire du piano à 5 ans, du solfège à 8 ans, vous écrivez vos premières chansons à 12 ans et vous prenez les cours de chant à 14 ans. Depuis toute petite, la musique résonnait comme une évidence pour vous alors qu’en parallèle votre voix était jugée trop « masculine ». Comment avez-vous vécu cette dualité ?
Typh Barrow: J’ai eu la chance d’avoir des parents mélomanes, qui très vite nous, mes soeurs et mes frères, ont incité à suivre une formation avec un instrument de musique. Ce n’était pas vraiment une révélation, c’était comme ça…comme d’autres enfants suivraient un cours de sport après l’école. Très rapidement, au travers du chant et de la musique, j’ai trouvé un moyen d’expression très fort, une sorte d’exutoire où je pouvais vibrer et m’exprimer comme nulle part ailleurs…mais rapidement je me suis heurtée à ma voix qui est très androgyne ! Les choses se sont alors compliquées entre le fait que pour moi, chanter était une évidence alors que pour toutes les personnes autour de moi, ça ne l’était pas ! On m’a reproché de miauler, on me mettait avec les garçons pour chanter, au téléphone on confondait ma voix avec celle de mon frère et on m’appelait « jeune homme ». À cette époque-là, les standards étaient Maria Carrey, Witney Houston et j’abîmais littéralement ma voix à vouloir chanter comme elles. Comme je ne voulais pas chanter des chansons d’hommes, j’ai commencé à composer. J’ai suivi plusieurs cours de chant où les professeurs n’arrivaient pas à travailler avec ma voix. Jusqu’au jour où j’ai fait un an de chant classique en académie où là non seulement, on m’a dévoilé une voix de soprano, mais où j’ai appris de la technique. À 14 ans, j’ai travaillé dans un piano-bar comme job d’étudiant. J’étais une catastrophe comme serveuse, tant j’étais maladroite. Mais un jour, j’ai demandé pour jouer un ou deux morceaux. Le patron m’a alors entendu. Il m’a licencié comme serveuse pour m’engager comme chanteuse. Je devais tenir 2-3h et je l’ai fait ! Ç’a été la meilleure école de toute ma vie, car quand on joue comme ça, on ressent directement la réaction des gens. Malgré les difficultés et les épreuves, je n’ai jamais lâché le morceau. C’est probablement ça : avoir une vocation !
Vous vous faites connaître grâce à YouTube, en 2013, par la reprise de Gangsta’s Paradise de Coolio, qui qualifiera votre reprise comme la meilleure ! C’est quelque chose…
Oui (rire) ! Je suis très perfectionniste, j’ai tendance à écouter plus facilement les critiques que les bonnes choses. Alors quand un artiste comme Coolio salue quelques années plus tard ma reprise, on se dit « Waoum quel honneur ! Quelle récompense ! « .
Dans votre album « RAW », dont vous avez signé l’entièreté des textes et des musiques, vous y parlez de vos obsessions, de vos joies, de vos fragilités, de vos peurs … cet album, c’est une sorte d’exutoire ?
Oui tout à fait ! C’est plus facile pour moi d’écrire dans les moments difficiles de ma vie et d’en être inspiré que dans les moments où tout va bien. J’adore reprendre cette métaphore de Serge Gainsbourg qui disait que c’était plus intéressant de prendre une photo du ciel quand il y a des nuages, différentes couleurs que quand le ciel est tout bleu et qu’il ne s’y passe rien. Ça ne fait pas de moi, une fille complètement dépressive ou négative. Comme tout le monde, j’ai une part d’ombre et de lumière et plus la part d’ombre est grande, plus la part de lumière l’est aussi ! Je pense qu’exprimer cette partie sombre au travers de la musique est une manière saine. C’est thérapeutique quelque part !
Vous avez enregistré une partie de l’album à Londres avec du matériel des années 60. Que retenez-vous de cette expérience ?
On voulait vraiment enregistrer comme dans les années 60. Je ne voulais pas que le son de cette époque-là, je voulais l’âme qui avait derrière. Avec le collectif Heliocentric, qui sont incroyables et qui ont un son magnifique, on s’est enfermé dans le studio sans métronome, avec les instruments les uns à côté des autres ! C’était dingue… Le piano manquait trois touches, mais il avait un son tellement beau qu’on l’a gardé, on a mis une couverture, car il jouait plus fort que la basse, on faisait une prise et puis il y en avait un qui toussait et bien la prise était bonne on la gardait…et ce fut pareil pour ma voix…j’ai chanté toutes les chansons de A à Z en une traite, en me replongeant dans l’émotion au moment où je les ai écrites. J’étais dans la recherche de l’émotion, de l’intention…Moi qui avait l’habitude d’enregistrer dans des studios son plus modernes, cette expérience m’a complètement mise en dehors de ma zone de confort, c’était brut de décoffrage. On arrête de vouloir être parfaite et on livre quelque chose à l’image de ce que je suis.
Un rêve un peu fou que vous souhaiteriez réaliser ?
Je ne sais pas si c’est « fou », mais pour moi ça le serait ! Je rêverais de jouer mon album sur scène avec un orchestre symphonique ! J’en rêve…ce serait un immense bonheur, un immense cadeau. Mais il y a déjà tellement de rêves qui se réalisent pour moi cette année : l’album, le vinyle, l’Ancienne Belgique qui est une salle mythique pour moi et puis voyager, aller chanter ailleurs ça c’est génial ! Tout ce qui arrive est tellement merveilleux, que j’en profite à fond !
Vos adresses préférées à Bruxelles ?
Je vais essayer de l’imiter (rire) ! La Cocina près du Châtelain, les pâtes sont à tomber et en plus ce sont des amis qui tiennent ce restaurant ! J’adore les brunchs à la petite production à Ixelles ! Le marché de Flagey, le samedi et dimanche matin est un endroit où j’adore flâner !
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