BCUC:
le prêche de la contestation

BCUC

Lors des Nuits Botanique, on a pu assister à la performance du groupe sud-africain BCUC – alias Bantu Continua Uhuru Consciousness. Pendant quasiment deux heures, dans la petite salle de la Rotonde, le groupe de huit (un bassiste, cinq percussionnistes allant du conga aux tambours, un chanteur et une chanteuse) s’en est donné à cœur joie.

Voici un concert qui respire l’urgence, le besoin de parler, s’apparentant plus à un prêche politique qu’à un simple set musical. Ici, pas uniquement de “nous allons jouer ceci car la mélodie est belle”, il y a un véritable désir de partager, de parler de l’Afrique du Sud contemporaine, de sensibiliser les mœurs. Les morceaux sont longs et ont cette capacité à vous prendre aux tripes, vous faire planer, vous emporter dans une lente montée jusqu’à la transe, comme cela pourrait être le cas dans les rituels cubains de la santeria. La déception vis à vis de l’ANC (African National Congress) post-Mandela est latente, lorsque les membres condamnent leurs représentants négligeant soudainement le peuple une fois leur accession au pouvoir. Comme s’ils utilisaient le township de Soweto (1,3 millions d’habitants, en périphérie de Johannesburg) comme un réservoir de voix noires, puis, une fois élus, se contentaient de pavaner en voitures de luxe sans remédier aux problèmes des classes populaires. Ils haranguent la foule autant qu’ils chantent, avec leur “South-African shooting and killing its people”, laissent la tension escalader jusqu’à l’extase finale. Il y a de la religiosité dans BCUC – où l’on sent également quelque légères influences de Ladysmith Black Mambazo. On se laisse bercer par les mots, les histoires racontées, comme un gospel sous acide qui vous secouerait de bout en bout. Au delà des discours, c’est un concert charnel, viscéral, qui vous prend et vous secoue. Vous pourriez y passer six ou sept heures sans vous lasser tant cela semble juste, vibrant et nécessaire. Une expérience mémorable venant d’un groupe qui marquera les mœurs. Dépêchez-vous tant que vous pouvez encore les voir dans des salles indépendantes en étant aux premières loges.