Dans les coulisses du Bozar :
Juliette Duret
Juliette Duret est à la tête du département cinéma du Palais des Beaux-Arts (BOZAR). De main de maître, cette passionnée du cinéma a développé ce département qui aujourd’hui affiche une programmation des plus intéressantes et des plus éclectiques. Brussels Is Yours a voulu en savoir un peu plus sur cette femme passionnée et passionnante et sur son parcours incroyable…
Comment est née votre passion pour le cinéma ?
J’ai été éduquée dans un environnement où la télévision et le cinéma prenaient une place importante. Ma mère organisait un cinéclub et j’allais voir quelques films…C’était, je m’en souviens, dans une classe et c’était la première fois de ma vie que je voyais un film sur grand écran. Mon père était un grand cinéphile donc on regardait beaucoup de films essentiellement français et américains à la télévision.
Pourtant, vous vous êtes dirigée, dans vos études, vers une licence en économie…
J’ai un profil de base qui est très scientifique, j’ai fait math-sciences et puis j’ai étudié l’économie publique, ce qu’on appelle la macro-économie. Je me suis retrouvée là pas par choix, mais par non-choix. Ma première idée avait été de faire caméra à l’INSAS. Ce n’était pas très fondé, mais il y avait quelque chose par rapport au visuel et au cadrage qui m’attirait déjà. Mes parents n’étaient pas très convaincus par ce choix et donc je me suis dirigée vers l’économie parce que ces études regroupaient différentes matières que j’aimais bien et qui me correspondaient. C’est à ce moment-là que je me suis retrouvée dans un groupe de gens qui adoraient aller au musée du cinéma et c’est tout naturellement que je me suis retrouvée à la cinématek des BOZAR à venir au début une fois par semaine et puis comme le cinéma est quelque chose de très addictif, je venais tous les jours. Une fois qu’on commence, c’est un peu comme un trou sans fond; il n’y a pas de limite. 100 ans de cinéma, on peut passer sa vie à regarder des films. Puis, j’ai commencé à suivre des cours à la cinématek sur le langage cinématographique. Ce qui m’intéressait vraiment c’était l’économie. Comment se construisait un film ? Quelle était la logique de production ? Tout l’écosystème…Il y a eu une sorte de déclic, je trouvais enfin un sens par rapport au choix de mes études. J’ai réalisé mon mémoire sur les justifications de l’intervention de l’état dans le secteur culturel avec le cas particulier du cinéma.
Et puis vous partez à Barcelone où vous rencontrez Virginie Thevenet et Rossy Del Palma…
Vous avez eu ça où ? (rire) ! Je suis effectivement partie à Barcelone pour apprendre l’espagnol que j’aimais beaucoup, pour essayer quelques boulots et surtout pour ne pas rester dans cette économie, car je ne savais pas quoi faire… Je n’arrivais pas à me situer à cette période de ma vie. À Barcelone, je donnais des cours de français et en même temps, je travaillais sur des tournages à la régie et à la production. Je faisais le lien entre les équipes. En parallèle, je continuais d’aller à la filmothèque. Je suis restée quasi 2 ans et quand je suis revenue c’était beaucoup plus clair. Je savais que je voulais me diriger vers le cinéma, mais du côté plus institutionnel: la programmation, aider les gens à produire, à co-produire, mettre en avant les cinématographies …
Puis vous devenez coordinatrice de Wallonie-Bruxelles Images…
C’était mon premier job, j’avais 25 ans. Je devais m’occuper de la promotion du cinéma belge à l’étranger, mais également promouvoir des producteurs et la profession. J’ai commencé à beaucoup voyager dans tous les festivals, dans tous les marchés…ce qui bien entendu m’a ouvert énormément de portes, j’ai continué à voir une multitude de films…j’ai rencontré énormément de professionnels du cinéma. Je me suis intéressée à l’économie des festivals, à la distribution, à la logique économique qu’il y a derrière le cinéma. J’ai travaillé comme ça pendant 14 ans !
Puis vous faites une formation EAVE, les Entrepreneurs de l’Audiovisuel…
Oui, je voulais mieux comprendre ce qu’était le métier de producteur et j’ai donc fait cette formation pendant un an au niveau européen. Le but était d’accompagner des producteurs et comprendre les enjeux de la production, mais également les enjeux d’un bon scénario…Ce lien entre l’artistique et l’économique…
Et puis, Bozar…
Oui, je pense qu’au bout de 14 ans, j’avais envie de passer à autre chose et c’est là que mon chemin a croisé celui de Paul Dujardin (Directeur du Palais des Beaux-Arts). Il m’a fait part de son désir de développer un département cinéma. Je pouvais apporter tous mes contacts de l’étranger et ma connaissance du secteur du cinéma belge.
Vous commencez comme coordinatrice et curatrice de films et aujourd’hui vous êtes à la tête du département…
Quand je suis arrivée, il y avait Xavier Garcia qui était curateur. Il fait des programmations très atypiques. Xavier n’est pas du tout dans le cinéma industriel, il est dans l’artistique pur. Moi, j’étais plus dans le documentaire, la fiction…un cinéma plus classique et plus connu de tous. Ensemble, on a voulu développer une programmation qui intègre celle des autres départements du BOZAR. L’idée était de lancer des ponts avec les expositions, la musique, la littérature … Créer et avoir plus de cinéma dans le Palais des Beaux-Arts. Le cinéma est très riche, il intègre tous les arts. On a développé une programmation très complémentaire étant donné que nous n’avons pas du tout le même profil. Aujourd’hui, nous sommes 7 personnes à travailler dans le département cinéma. J’adore mettre les choses en place, évoluer avec toujours comme moteur la curiosité. Découvrir, pousser des portes et essayer…c’est un beau leitmotiv.
Photos illustrant l’article : @Christophe Vanderborght