Chloé De Bon:
« Comment se réapproprier son corps »

La pilule est encore l’une des méthodes contraceptives féminines les plus utilisées. Pourtant depuis quelques années, on commence à mettre en lumière ses graves effets secondaires comme: un risque de thrombose, d’embolie pulmonaire, de crise cardiaque ou encore d’accident vasculaire cérébral (AVC). Chloé De Bon a pris la pilule Diane 35 prescrite longtemps par des médecins comme un traitement anti-acné et comme pilule contraceptive. À  son arrêt, Chloé De Bon voit son corps complètement chamboulé. Voulant comprendre les dégâts des hormones sur notre santé et sur l’environnement, elle commence à travailler sur un documentaire : « Flower Of Life » puis c’est toute une structure qu’elle met en place. Aujourd’hui, elle est à la tête de FemmesProd. Une association qui a pour but de rendre de la visibilité aux femmes qui sont restées dans le silence et de traiter les thématiques qui les traversent. 

Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance et comment vos parents vous parlaient-ils enfant ? Parliez-vous facilement de contraception ? 

Chloé-De-Bon-FemmesProdJ’ai de très bons souvenirs d’enfance. Ma mère était femme au foyer et donc très présente pour nous : mon frère, ma soeur et moi. Je pense que ce fut un accord tacite entre mon père et ma mère : « Tu t’occupes des enfants pour ne pas payer de crèche et moi, je travaille ». C’est ce que voulait également ma mère, qui était une maman dans l’âme. Elle voulait s’occuper de ses enfants, être présente et les voir grandir. C’est ce qu’elle fit et est toujours. Par rapport à la contraception, je me souviens que ma mère avait essayé de nous en parler d’une manière très maladroite (rire) …mais s’il y avait bien au monde une personne avec qui un enfant n’a aucune envie d’en discuter, c’est bien ses parents (rire) ! Aujourd’hui, avec FemmesProd, on organise justement des ateliers : « Mères-filles – Pères-fils » autour de l’éducation sexuelle, affective et relationnelle. 

Une fois les humanités terminées, vous vous dirigez vers des études de communication à l’ISFSC – ICHEC.

Chloé-De-Bon-FemmesProdJ’aimais bien le côté pratique de l’ISFSC, car il y a des stages dès la première. J’ai adoré cette école. Après, j’ai fait un Master à l’IHECS. L’ISFSC, me convenait, car l’ambiance était cool… C’était moins tiré à quatre épingles. Au tout début, je voulais me diriger vers l’événementiel. J’ai fait un stage chez Carl de Moncharline pour me rendre compte que ce n’était pas ça que je voulais faire (rire) ! Ce qui m’a déplut, c’est qu’on passe énormément de temps à organiser un événement qui passe en un clin d’oeil. Quelle énergie, on met dans quelque chose qui, quelques heures plus tard, n’existe plus.

Je ne vais pas énumérer tous vos boulots, car il y en a eu beaucoup en tant qu’assistante de production dans de belles maisons. Qu’est-ce que vous aimiez dans ce travail ? 

J’aimais ça, car c’est un peu plus « roots » et ça me correspondait plus pour différentes raisons. Je suis partie à Londres où j’y ai travaillé et quand je suis revenue, on m’a proposé un poste au Kings Of Comedy Club en production. Ce n’était plus le milieu du cinéma, mais cela restait les mêmes compétences. J’ai découvert le stand-up, les festivals… Finalement, ces métiers m’ont appris à rentrer dans des milieux comme le cinéma et le stand-up. 

Et pendant toute cette période, vous êtes sous pilule contraceptive, la Diane 35, qu’on vous prescrit à cause d’un problème d’acné. 

Chloé-De-Bon-FemmesProdJ’ai commencé à la prendre à l’âge de 15 ans à ma propre initiative, car à l’époque c’était un peu le rite de passage pour devenir grande. On valorisait beaucoup la pilule. Tout le monde la prenait. Donc, on me la prescrit, je la prends et effectivement ça a un effet béton sur ma peau. Je n’ai plus de boutons et pendant 10 ans je n’ai aucun souci. Or, ce n’est pas parce que je prends cette pilule que mes problèmes d’acné ont disparu. C’est juste un plâtre sur une jambe de bois. Je continue à avoir quelques petits problèmes de peau avec ma pilule et donc ma dermatologue me prescrit en plus de l’androcure qui est un traitement contraceptif qui multiplie les risques de tumeur au cerveau. J’ai donc une bombe hormonale en moi ! Je ne me rends absolument pas compte de l’impact que cela a sur mon corps, car à cet âge-là, on se connait très peu. Je ne connais pas ma libido sans pilule, je n’ai jamais eu de relations sexuelles sans non plus. Je suis à l’adolescence donc les fluctuations d’humeur, je pense que c’est normal. À 19 ans, je rencontre un garçon qui va devenir mon compagnon pendant 7 ans. Au bout de 5 ans de relation, j’entends aux informations françaises qu’une jeune femme a fait un AVC à cause de la Diane 35. On retire cette pilule du marché en France, mais pas en Belgique. L’information reste dans ma tête et je commence à me poser des questions jusqu’au moment où je me dis:  « Je suis dans une relation longue, on peut envisager des alternatives ». Du jour au lendemain, j’arrête de prendre la pilule. 

Et là, la catastrophe commence…

Complètement, mon acné revient, mais beaucoup plus fort qu’avant. Des gens vous diront que c’est qu’une affaire de physique, mais ce n’est pas que ça ! En fait, c’est tout un dérèglement interne. Ton foie n’arrive plus à éliminer toutes ces toxines et c’est par ta peau que ça ressort. Ce fut très handicapant. J’avais 25 ans, je travaillais dans un milieu où il y avait beaucoup de contacts, d’événements et j’étais couverte de boutons. Je n’osais plus sortir de chez moi. L’expression « être mal dans sa peau »… Durant cette période, plein de choses dans ma vie changent. C’est un peu comme si je me réveillais dans mon propre corps puisqu’il n’y avait plus quoi que ce soit qui l’endormait. Au bout de 4-5 mois, je n’en peux tellement plus que je décide de la reprendre quelques mois pour faire un arrêt progressif comme un sevrage. 

Ce sont les médecins qui vous conseillent ça ? 

Chloé-De-Bon-FemmesProdPas du tout ! Aucun médecin ne vous conseillera ça…enfin je ne pense pas ! Je me suis tout simplement renseignée sur plein de blogs. J’ai commencé à discuter avec beaucoup de femmes qui parlent de ça, de leur expérience, de leurs conseils… C’est très bienveillant ! Un jour, j’arrive sur le blog de Christelle avec qui j’ai longtemps parlé. Elle, elle avait fait cet arrêt progressif de pilule. Je la reprends pendant 6 mois et je l’arrête progressivement pendant un an. Un jour sur deux, un jour sur trois, un jour sur quatre…ça m’a réussi ! Puis, j’ai changé pas mal d’habitudes alimentaires… Je devais tout réapprendre. Car sans pilule, tu fais une fête où tu bois, où tu manges des saloperies : le lendemain, ses abus se voient sur ton visage. Avec la pilule, ce genre d’abus est camouflé.  Il s’agit de réapprendre à écouter les signaux que son corps nous envoie. 

Et au niveau du moral, des émotions : comment cela se passe-t-il ? 

Quand j’ai arrêté ma pilule, j’ai ressenti une telle force ! J’étais prête à conquérir le monde (rire) ! Ce qui fut assez drôle, c’est que j’ai quitté mon compagnon de l’époque. Puis quand j’ai recommencé la pilule, on s’est remis ensemble et on s’est séparé définitivement quand j’ai à nouveau arrêté ! Comme si plus faible, plus fragile, j’avais besoin peut-être d’être rassurée. Sous pilule, j’étais vite énervée, agacée. En l’arrêtant, j’ai mis un an pour retrouver un cycle normal. 

Aujourd’hui, vous avez créé l’association FemmesProd. Comment cette idée a germé ? C’est parce que vous vous êtes rendu compte que beaucoup de femmes vivaient ça en silence ? 

Quand j’ai vécu tout ça, ce fut d’une manière très isolée, car j’étais mal dans ma peau et je voulais trouver des solutions pour moi. J’ai lu énormément. J’étais complètement obnubilée par ça. À ce moment-là, je me suis connectée à plein de femmes. Comme une sorte de sororité qui se tisse. Au moment de ce deuxième arrêt de pilule, j’opère un changement radical. Je quitte mon compagnon et je quitte également mon boulot au Kings Of Comedy Club. Je quitte la Belgique et je pars en Australie. C’est une grosse remise en question car je me reconnecte à moi-même. Je passe 3 mois en Australie et quand je reviens je suis engagée en tant qu’assistante de production sur une série policière pour France 3. Je me lance là-dedans tout en restant connectée à mes envies profondes. Je ne veux plus faire comme avant à travailler comme une dingue pour peu en retour. J’enchaîne encore avec une grosse production de cinéma et là c’est un déclic. Je décide de me lancer dans ce qui me parle dans ma propre réalisation. Et je décide de faire mon propre documentaire : « Flower of Life »

L’idée du documentaire « Flower of Life » était née. Ce documentaire parle de ce que vous aviez vécu par rapport à la pilule…

Chloé-De-Bon-FemmesProdMettre en image ce que j’avais vécu, mais pas que… Parler également des problèmes pour la santé, l’environnement, l’éducation, la responsabilité partagée, l’éducation sexuelle à l’école qui est un problème… J’ai mis deux ans à l’écriture complètement seule. Au bout de ces deux ans, je crée une structure qui est FemmesProd pour avoir des bureaux, des bénévoles uniquement pour le documentaire à la base. Et puis, plein de choses se sont mises sur pied comme les ateliers, les podcasts … Comme j’ai rencontré beaucoup de professionnels de la santé, de sages-femmes… Aujourd’hui, ces personnes viennent faire des ateliers sur les différents moyens de contraceptions non hormonales et non invasives… Plein de choses ont pris forme et sont nées. 

Pour réaliser ce documentaire, vous avez lancé une campagne de crowdfunding qui se termine le 4 novembre. Vous avez déjà acquis 75% de la somme, ce qui est génial. Vous pouvez être fière ! 

Merci ! Là, je suis très heureuse, car on a reçu un magnifique don qui va faire grimper la somme à 90% de l’objectif !! 

Justement dans ce documentaire, vous parlez de ce que vous avez vécu, mais vous abordez également différentes thématiques comme : Pourquoi est-ce qu’on parle peu des effets de la pilule ? Pourquoi est-ce souvent les femmes qui prennent les choses en main pour la contraception ? Quels sont les autres moyens de contraceptions naturels dont on parle peu ?

Ce que je mets également en avant c’est comment en tant que femme, tu peux te réapproprier ton corps qui a été d’une manière ou d’une autre violenté. Le gros point d’intérêt au départ, c’était la contraception et puis au fur et à mesure de l’écriture, j’ai élargi… À force de rencontrer des femmes, je me suis rendu compte qu’elles vivaient plein d’autres violences dans le milieu médical hormis la contraception. Je veux laisser la parole à ses femmes. C’est important que ces femmes ne restent pas isolées. C’est important d’ouvrir ces groupes. Il ne faut pas en avoir honte même si c’est intime. C’est important de dire ce qui n’a pas été, mais ne pas rester là-dessus… Expliquer comment on peut se retrouver, comment on peut se réapproprier son corps. 

C’est également l’objectif de FemmesProd qui est une sorte d’extension au documentaire… Comment se déroulent ces ateliers ? Est-ce que les personnes prennent facilement la parole, car finalement nous n’avons pas l’habitude de parler de ça…

Chloé-De-Bon-FemmesProdJ’organise maintenant des ateliers où la mixité est de mise. Au tout début, je les faisais autour des femmes. On se rend compte que dès qu’une femme a la parole, elle déverse tout… Toutes ces choses qu’elle n’a jamais pu exprimer et qu’elle a retenues en elle. J’étais très étonnée, car on se rend compte que ces femmes en ont envie et besoin et c’est un lieu où elles peuvent le faire ! Du côté des hommes, c’est plus variable. Mais on retrouve certains qui se rendent compte que leur compagne subit des frottis annuels, des mammographies, gèrent les moyens de contraception… et finalement, tout ça leur échappe. Donc il y en a qui sont intéressés… Certes, la pilule a amené la révolution sexuelle pour la femme MAIS pour l’homme aussi qui a pu toucher sa femme sans plus aucune peur…

Pour préparer cette interview, j’ai demandé l’avis d’hommes quarantenaires que je connaissais. Puisque tu es trentenaire, je me suis intéressée à la génération au-dessus… Celle où ces habitudes sont bien ancrées. Je leur ai parlé de la contraception thermique et ils m’ont regardé comme si j’étais folle en me disant qu’ils n’étaient pas du tout prêts pour ça ! Dans cette société patriarcale, il y a quand même une réticence… 

Chloé-De-Bon-FemmesProdC’est très culturel aussi ! On voit de grosses différences avec les pays anglophones où la vasectomie est beaucoup plus pratiquée que chez nous. Les hommes, ici, pensent qu’avec la vasectomie, on va leur couper leur virilité. Alors que pas du tout, un homme qui a fait cette opération, continue d’éjaculer et à bander normalement.  C’est très culturel, très ancré ! « Si tu touches à mes bijoux de famille, tu touches à ma virilité ! ». Heureusement, comme c’est culturel ça peut bouger ! L’arrivée de la pilule a bougé les choses au niveau des femmes. Aujourd’hui, on se rend compte que ces hormones que nous prenons depuis deux générations ne sont pas bonnes pour la santé.  Il faudrait maintenant que ça bouge au niveau des hommes. Je ne comprends pas comment on peut déléguer et décharger ça sur quelqu’un alors que c’est finalement une décision de couple. 

Un rêve un peu fou que vous souhaiteriez réaliser avec FemmesProd ? 

C’est un rêve très terre-à-terre, mais je voudrais arriver à me payer et à payer mes bénévoles. J’ai beaucoup de dépenses et très peu de rentrées. Nous sommes des passionnées, mais ce serait bien qu’il y ait un minimum de reconnaissance à ce niveau-là. Ça me permettrait de souffler un peu… 

Plus d’info ? 

Chloé-De-Bon-FemmesProd

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Kiss Kiss Bang Bang : Flower of Life