La série « Dracula » va-t-elle vous rendre « à crocs »?

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Après avoir brillamment adapté (et modernisé) le « Sherlock Holmes » de Conan Doyle, les auteurs Steven Moffat et Mark Gatiss nous livrent à présent une relecture d’un autre grand classique de la littérature britannique du XIXe siècle : « Dracula » d’après Bram Stoker. Cette nouvelle série nous a-t-elle conquis à « sang pour sang »? (Ok, maintenant j’arrête avec les jeux de mots pourris, c’est promis!)

Résumé :

L’histoire nous ramène en Transylvanie, en 1897. Jonathan Harker, travaillant pour un cabinet d’avocats londoniens, se rend dans le château du Comte Dracula, pour lui faire signer des papiers importants : ce mystérieux seigneur d’Europe de l’est vient d’acquérir des propriétés en Angleterre. Jonathan, qui a laissé sa douce Mina au pays, espère boucler l’affaire au plus vite. Mais il se retrouve, sans s’en rendre compte, prisonnier de ce mystérieux personnage manipulateur et de son château labyrinthique… 

 Avis :

Dracula_NetflixTout n’a-t-il pas déjà été fait et dit sur le Comte Dracula? Tod Browning, Terence Fisher, Jesus Franco, Francis Ford Coppola, Dario Argento sont quelques-uns des plus notables réalisateurs à s’être frottés au célèbre mythe. Il existe même deux films issus de la blaxploitation dans lesquels le Comte vampire est afro-américain et se dénomme « Blacula » (« Blacula » (William Crain) et « Scream Blacula scream » (Bob Keljan))!

L’oeuvre de Bram Stoker, vieille de plus de 120 ans en a inspiré beaucoup et a donné ses lettres de noblesse au genre vampirique. Réinventer pour la énième fois ce livre culte, semblait donc un exercice périlleux. Néanmoins, les créateurs Mark Gatiss et Steven Moffat, forts de leur réussite sur « Sherlock » étaient certainement les mieux à même à relever le défi avec cette série produite par la BBC et Netflix.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, il est bon de savoir que la série « Dracula » est une mini-série qui constitue un tout. On retrace les aventures du comte Dracula de la Transylvanie jusqu’à son arrivée dans le “Nouveau Monde”. Et tout ça en près de 4h30 (soit 1h30 par épisode). L’histoire s’achève donc au bout du dernier épisode.

Dracula_NetflixLes trois épisodes diffèrent totalement de style (et de qualité, osons le dire!). Le premier volet débute avec les mêmes éléments que le roman et principalement le personnage de Jonathan Harker. En déplacement en Transylvanie pour son travail, ce dernier ne reviendra pas indemne de ce voyage, à cause de sa rencontre avec le comte Dracula. La série présente le personnage affecté, en état de choc. Questionné par une nonne qui cache un lourd secret, il va revenir sur son expérience au travers de nombreux flashbacks. La magie opère immédiatement, Moffat et Gatiss usant de leur savoir-faire pour nous plonger dans ce récit tortueux, tout aussi labyrinthique que le château de Dracula et ils réussissent à nous faire sursauter maintes fois au moyen de twists savamment imaginés.

Le deuxième volet se déroule entièrement sur un navire et se révèle être un formidable whodunit qui nous invite à jouer les détectives pour percer le mystère autour de disparitions inquiétantes. Là encore, l’histoire regorge de prouesses scénaristiques et s’amuse à nous balader pour mieux nous surprendre.

Impossible de parler de l’épisode final sans trop en dévoiler. Plus audacieux encore que les chapitres précédents, il est celui qui s’écarte le plus de l’œuvre de Bram Stoker. Hélas, malgré d’excellentes trouvailles, ce dernier récit s’avère un peu bancal et poussif. La fin, malheureusement trop vite expédiée, est cependant très réussie et même émouvante.

Dans le rôle du mythique vampire, le comédien danois Claes Bang (révélé par le formidable « The square »)excelle littéralement. Son jeu tout en charme et en ruse offre un Dracula glaçant, charismatique et fascinant. Il est le Diable. Celui qui peut vous envoûter à tout instant et vous faire basculer vers les ténèbres. Sous les oripeaux de l’aristocrate raffiné se dissimule une bête féroce et sanguinaire. Claes Bang est intrigant à souhait et nous livre une performance à la fois toute en finesse et en bestialité.

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Il fallait offrir à Dracula l’adversaire qu’il méritait. Moffatt et Gatiss l’on trouvé en la personne de la nonne irrévérencieuse et ingénieuse, Sœur Agatha (géniale Dolly West!). Par moment, on croit retrouver un peu les affrontements cérébraux jouissifs entre Sherlock Holmes et Moriarty.

John Hefferman est un Jonathan Harker meurtri et perdu à souhait. Sa fiancée Mina est interprétée quant à elle par la lumineuse Morfydd Clark (qui sera prochainement Galadriel dans la série « Le Seigneur des anneaux » produite par Amazone). Le reste du casting est à l’avenant. Tous campent merveilleusement leurs personnages.

Le style esthétique de la réalisation est léché et prend des directions différentes pour chaque intrigue. La série rend souvent hommage au cinéma de genre. L’horreur et le gore y sont décomplexés et donnent un sentiment jubilatoire de train fantôme, particulièrement dans le premier épisode.

En conclusion, malgré un dernier épisode un peu fourre-tout, « Dracula » s’avère une série passionnante et ambitieuse. Steven Moffat et Mark Gatiss déploient une nouvelle fois leur savoir-faire en ce qui concerne la maîtrise de la narration. Alors laissez-vous mordre sans tarder…