Yoann Blanc:
« On apprend des choses et après on apprend à les désapprendre »
Connu par le grand public pour son personnage dans « La Trêve », Yoann Blanc est pourtant un comédien qui enchaîne les spectacles depuis sa sortie de l’INSAS. En 2016, il remporta un Magritte du cinéma pour son rôle dans « Un homme à la mer ». À partir du 16 janvier, il sera sur les planches du Théâtre Varia avec le spectacle « Ton joli rouge-gorge »…
Vous êtes né à Ambilly, en Haute-Savoie. Quels souvenirs gardez-vous de votre enfance ?
Je suis né en Haute-Savoie, mais j’ai grandi à la frontière franco-suisse. La ville la plus proche était Genève, mais je vivais en France. J’ai la double nationalité. C’est assez particulier… J’adore l’historique de cette région, je pourrais en parler pendant des heures, mais je ne vais pas le faire (rire) ! Quels souvenirs j’en garde ? Beaucoup de beaux souvenirs puisque je suis resté là-bas jusque l’INSAS. J’ai vécu une année aux États-Unis entre mes 16 et 17 ans puis je suis revenu à Genève avant d’arriver ici. Grandir dans cette région était une belle expérience : beaucoup de neige, de montagne, de lacs … Tout sauf du plat, quoi (rire)!
J’ai lu que c’est votre maman qui vous inscrit à la fanfare du village où vous y jouiez entre autres de la flûte traversière ?
Ma mère voulait que je fasse de la musique. J’ignore encore pourquoi. Elle m’inscrivit à la fanfare. Fanfare qui existe toujours et où j’ai des amis qui y jouent toujours.
Qu’est-ce qui vous pousse à vous inscrire à l’INSAS et devenir comédien ?
Je ne viens pas du tout d’un milieu comme ça en fait. Mes parents étaient maraîchers donc c’était l’amour de la terre. Cependant, mes soeurs font également un métier artistique donc je pense qu’il y a du avoir une transmission quelque part dans l’éducation. Je sais qu’avec l’école ou au village, il y avait un théâtre d’amateurs qui produisait une pièce, j’étais fasciné. J’adorais ça. Je regardais les boulevards à la télévision, je trouvais ça super. Les premiers spectacles professionnels que j’ai vus à Genève, je devais alors avoir 12-13 ans et ce fut un choc. La scène me fascinait… Je voulais absolument jouer et je voulais partir à Lyon en pension, mais ma mère m’inscrivit à Genève dans des cours de théâtre. Ce qui m’a amené à 15 ans à faire ma première pièce professionnelle où je fus rémunéré. J’ai souvent pensé à ce que je pouvais faire d’autre, mais c’était le théâtre qui me passionnait par-dessus tout, j’en revenais toujours à lui. Au tout début, je voulais faire mes études à Strasbourg, car j’adorais la troupe qui est comme une famille… Strasbourg était une école qui semblait sur papier me convenir. Et puis, j’ai rencontré un ami qui venait de finir sa première année à l’INSAS et qui m’en a parlé. J’ai passé les examens d’entrée et je fus pris.
Au tout début, Bruxelles n’était pas simple pour vous…
La première année, ce fut vraiment dur pour moi. Bruxelles était une grande ville, beaucoup plus grande que Genève. Quand je ne faisais pas de théâtre et que je ne répétais pas avec les copains, je ne savais pas ce qu’on pouvait faire le weekend à part boire des bières (rire) !
Et comment se passe l’INSAS ?
J’étais très très heureux ! J’avais 18 ans. On faisait du théâtre toute la journée, on ne pensait qu’à ça ! J’étais comme un poisson dans l’eau ! Tout était super ! Après c’est un truc bizarre les écoles, car je ne pense pas que ça convienne à tout le monde ! Je pense que ça dépend de ta vie et de tes besoins… On apprend des choses et après on apprend à les désapprendre. L’école te met dans un bain : tu vas voir des choses, tu en parles, tu rencontres des gens… On apprend des choses et après on apprend à les désapprendre. C’est toujours en mouvement. L’école te donne un bagage, mais après c’est toi qui fais le reste du voyage. En tout cas pour moi, ce fut une belle expérience.
Et comment se passe la sortie de l’INSAS ?
J’ai travaillé, déjà en 3e année, avec Armel Roussel. Ça a commencé comme ça et puis en sortant j’ai travaillé avec d’autres professeurs. Chaque école est un peu comme une grande famille. Donc assez vite, j’ai travaillé au théâtre. L’image est arrivée beaucoup plus tard, un peu par hasard. Ce n’était pas quelque chose qui m’attirait particulièrement. J’ai toujours regardé beaucoup de films et j’adorais le cinéma, mais je me disais que ce n’était pas pour moi. Ce n’est pas quelque chose que j’ai vraiment cherché. C’est arrivé par le théâtre et c’est Romain Graf qui m’y a amené. J’ai joué dans un de ses courts-métrages et puis on en a écrit un. Ensuite, c’est Géraldine Doignon qui m’a engagé d’abord sur un court-métrage et puis sur un long métrage : « De leur vivant » et puis des années plus tard, elle m’a proposé « Un homme à la mer ».
Vous rencontrez Matthieu Donck sur un tournage et il vous proposera par la suite le rôle de Yoann Peeters dans la série « La Trêve ». Comment cette rencontre se réalise ?
En fait, je me suis retrouvé à jouer pour Matthieu, une scène dans son long métrage. Ce qui est drôle, c’est que j’ai failli ne pas la jouer, mais finalement je l’ai faite. J’ai appris plus tard que ce jour-là, cela avait été particulièrement compliqué pour Matthieu pour diverses raisons. Il avait été super content de ce que j’avais fait et puis il m’a proposé de jouer dans son court-métrage. Pendant qu’il monte ce court-métrage, il était en train d’écrire « La Trêve » et il invente le caractère principal sur base de mon jeu et de ma tête… sans que je le sache.
Ça fait quoi de vivre d’un coup ce succès et de rentrer dans le foyer des gens ? Y a-t-il un avant et un après ?
Évidemment, je suis super content du succès de « La Trêve »…. Mais pour raconter depuis le début et en toute honnêteté, j’étais quelque peu dubitatif quand Matthieu m’a proposé un rôle de flic dans une série belge… surtout que rien n’était certain. On devait tourner un pilote pour la RTBF et voir si ça les intéressait. J’avais le film avec Géraldine, j’allais devenir papa… Donc, j’ai dit oui pour faire le pilote qui se tournait sur trois jours. Puis, la série fut acceptée et j’ai un peu hésité. Comme Matthieu n’avait pas d’option B, j’ai fini par accepter. On est allé tourner dans les Ardennes. Quand le succès de « La Trêve » est arrivé, ça nous a surpris aussi… C’est comme si tu tournais avec tes potes et que les gens appréciaient. C’est une aventure forte, car tout s’est inventé au fur et à mesure. Que les gens aiment, je n’y suis pas pour grand-chose. Tout ce que je peux en dire, c’est que j’ai bien aimé cette expérience. Ce qui m’a un peu plus dérangé, c’est quand on m’a posé la question : « Qu’est-ce que ça fait tout d’un coup d’être connu ? »… C’est un peu comme si tout ce que j’avais fait avant avait été balayé. Je pense que c’est quelque chose qui nous a tous dépassés.
Dans la même année, vous jouez dans « Un homme à la mer » avec Jo Deseure et vous remportez le Magritte du cinéma pour ce rôle. C’est une belle récompense…
C’était tellement incroyable comme période. J’ai tourné le film, ma petite fille est née. Quand Géraldine Doignon m’a proposé ce rôle, j’étais vraiment très content et puis tourner au côté de Jo Deseure, c’était génial… C’était une belle aventure, une marque de confiance énorme de la part de Géraldine. J’étais très heureux de recevoir le Magritte même s’il y avait un côté assez comique vu que c’était celui du « meilleur espoir »… Je n’ai pas l’âge d’un espoir, mais moi qui venait du théâtre, qui avait joué dans une série télé… finalement par cette récompense, le cinéma me dit : « Viens jouer avec nous »… J’étais honoré et très heureux.
À partir du 16 janvier, vous serez sur les planches du Théâtre Varia avec le spectacle « Ton joli rouge-gorge »…
Je connais Mathylde Demarez et Ludovic Barth depuis longtemps, mais nous n’avons jamais travaillé ensemble. Ils m’ont proposé de jouer dans ce spectacle. J’aime beaucoup ce qu’ils font. Cette création qui est née de leur volonté de travailler sur le genre. Le pitch est que nous vivons dans un monde non genré. Ce serait l’histoire de trois adolescents et un robot qui s’enfuient dans la forêt, car ils sont malades et la maladie est qu’ils ont des remontées sexistes. Ça va être drôle…
Ça fait quoi de revenir dans la peau d’un adolescent ?
(rire) Je ne reviens pas vraiment dans la peau d’un adolescent étant donné qu’elle reste celle d’un type d’une quarantaine d’années (rire) ! Mais c’est un peu revenir à un souvenir, les hormones qui travaillent, les rêves et les espérances comme les incompréhensions que traduit cet âge. C’est un adolescent qui est très mal dans sa peau.
Comment étiez-vous adolescent ?
J’ai adoré mon adolescence ! J’étais très heureux. J’étais très « copains », les aventures à vivre par soi-même… C’est le moment où on commence à acquérir une certaine indépendance ! J’attendais ça depuis très longtemps… C’était donc plus une libération qu’une angoisse…
Un rêve un peu fou que vous voudriez réaliser ?
Il y a l’ascension de la Bernina dans les Alpes que je voudrais faire…mais il faut que je m’entraîne. J’adorerais d’ailleurs faire un film qui se passe aussi à la montage. Il y a beaucoup de choses à faire avec la montagne au cinéma et il y finalement peu de films qui traitent le sujet. La montagne offre plusieurs plans, ça bouge tout le temps… C’est une forme de liberté.
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