On vous fait voyager dans le temps!
Campée dans un Londres à la Dickens, La Fabrique de poupées met en scène la détermination d’une femme à s’affranchir de sa condition. C’est aussi un conte cruel, raffiné et résolument moderne, au suspense maîtrisé, qui explore avec une précision chirurgicale les frontières entre l’amour, le désir et la possession.
Résumé :
Londres, 1850. L’Exposition universelle va bientôt ouvrir ses portes dans le tout nouveau Crystal Palace, et les badauds se pressent pour venir admirer cette merveille. Parmi eux, Iris, modeste employée dans un magasin de poupées, à la beauté mâtinée de difformité, qui rêve de devenir artiste peintre. Et puis il y a Silas, taxidermiste amateur de macabre et de curiosités, désireux d’y exposer ses créatures. Ces deux-là se croisent, et leurs destins en seront à jamais bouleversés. Iris accepte bientôt de poser pour Louis Frost, un jeune peintre préraphaélite. Avec lui, le champ des possibles s’élargit, et le modèle, avide de liberté, découvre peu à peu l’art et l’amour. Mais c’est compter sans Silas, qui rôde non loin de là, tapi dans l’ombre, et n’a qu’une idée : faire sienne celle qui occupe toutes ses pensées, jusqu’à l’obsession…
Avis :
Elizabeth Macneal est née à Édimbourg et vit aujourd’hui à Londres. Diplômée d’Oxford, elle a travaillé quelques années à la City et se consacre aujourd’hui à ses deux passions, l’écriture et la céramique. Avec La Fabrique de poupées, son premier roman, la jeune auteure anglaise imagine un conte cruel, mêlant art et histoire, dans le Londres de Dickens.
Il y a d’abord, Rose et Iris, deux jumelles à la somptueuse chevelure rousse trimant du matin au soir pour peindre et habiller des poupées destinées aux fillettes de bonne famille. Rose a le visage ravagé des séquelles d’une variole, Iris, a une déformation de la colonne vertébrale suite à une fracture de la clavicule. Ensuite, un gamin des rues, Albie, dont la mâchoire ne s’orne que d’une incisive. Puis, Louis, jeune artiste peintre à la recherche de sa muse. Et enfin, le sinistre Silas, taxidermiste fasciné par le macabre et avide de reconnaissance. Tout ce joli monde va se croiser, s’entrelacer dans les ruelles vétustes et malsaines du quartier Est du Londres Victorien. Le moins que l’on puisse dire c’est que Elizabeth Macneal maîtrise bien son sujet. Son écriture est précise et totalement immersive. Rien ne vous sera épargné : la puanteur, la misère jusque dans les plus infimes détails malsains de cette période glauque. De la construction des poupées pour les enfants (vivants ou morts) à la passion des bourgeois pour les animaux empaillés avec leurs collections de curiosité. Il y a également les filles perdues contraintes de vendre leur corps dans des maisons pour subvenir à leurs besoins ainsi que des vendeurs à la sauvette ou des voleurs à la petite semaine qui revendent leurs larcins pour quelques pièces.
Pour qui est fasciné par cette époque lugubre et violente, La Fabrique de poupées est un vrai régal.
Ce roman riche traite de différents sujets de société, mais le principal est certainement celui des inégalités entre les hommes et les femmes.
Le roman relate les relations hommes/femmes à une époque où seuls les hommes pouvaient vivre selon leurs aspirations et leurs envies sans risquer d’être jugés et mis au ban de la société. Il souligne la flagrante inégalité entre les hommes et les femmes. Une femme ne pouvait fréquenter un homme sans être accompagnée d’un chaperon. De plus, une femme pouvait difficilement percer dans le milieu artistique, à tel point que nombre d’entre elles ont utilisé des noms d’emprunt masculins afin d’être prises au sérieux.
Les artistes peintres employaient des modèles pour poser pour eux et profitaient aisément de leurs charmes. Ainsi, Iris, jeune fille de 20 ans fait preuve de grande naïveté en devenant le modèle de Louis et ne comprend pas de quelle manière elle se fourvoie et pourquoi son attitude déçoit tant ses parents et sa soeur. Elle se laisse séduire par une vie d’artiste où elle n’y voit que l’exercice de la peinture qu’elle affectionne tant ainsi qu’une issue de secours pour quitter sa vie sans avenir dans ce sinistre magasin de poupées.
Mais il est difficile d’avoir des rêves pour une femme et encore plus difficile de les réaliser à cette époque.
Bien que les mentalités ont évolué depuis, 170 ans plus tard, cette question demeure toujours fortement d’actualité.
La Fabrique de poupées dépeint avec grand talent l’atmosphère du Londres Victorien. C’est un roman sombre, passionnant, romantique à souhait et forcément empreint d’injustices. Le premier roman d’Elizabeth Macneal, best-seller publié en 29 langues, est un coup de cœur.
A noter que la version audiolivre du roman sortira prochainement chez Lizzie. J’ai la chance d’en être le conteur.